Démocratie et gouvernance dans les associations : quelles prises possibles pour le débat ?

La place des associations dans la société française est au centre de débats récurrents depuis plusieurs siècles. Les termes de ces débats ne sont d’ailleurs pas toujours explicites et l’on peut, à propos d’aujourd’hui comme d’hier, considérer comme relativement consensuels des constats qui recouvrent en réalité de réels antagonismes. Le rapport entre associations et démocratie, par exemple, est un sujet sur lequel s’affrontent des conceptions différentes de la répartition des rôles en matière de politique et de gouvernement, mais qui sont peu débattues en tant que telles. Les raisons de cette relative absence de débat sont multiples et le conditionnement des mentalités semble à cet égard un facteur central, avec finalement une relative confusion sur ce que recouvre le politique.

Des sujets comme la concurrence et la gouvernance mobilisent plus facilement l’attention et la signification implicite de ces termes, dans les tribunes qui en traitent, renvoie souvent aux courants de pensée qui abordent l’économique, le social et le politique principalement sous l’angle de la rationalisation. Dans cette perspective, la gouvernance évoque l’amélioration nécessaire des capacités managériales ; la mise en concurrence est le moyen incontournable pour favoriser l’amélioration de la productivité, dans une économie mondialisée qui met à l’épreuve les sociétés occidentales. Cette injonction n’est pas propre aux associations car elle vise l’ensemble des organisations publiques et privées, dont les institutions publiques (de l’Etat à l’ensemble des services publics) comme s’il n’existait finalement pas de différenciation légitime entre la logique du marché et celle du bien commun.

La séduction de ces deux notions traduit la difficulté actuelle à évoquer les rapports au sein de la société en termes autres que marchands et, plus globalement, à mobiliser un espace pour se représenter le politique. Cette problématique, qui n’est pas non plus propre aux associations, les percute pourtant directement, car elles représentent en théorie et une alternative à cette conception marchande des rapports sociaux et un espace d’élaboration politique.

Dans ce contexte, il est assez logique que les associations reçoivent surtout l’injonction d’une meilleure gouvernance, dans une acception manageriale. Certes, cette question recouvre de réels enjeux. Mais elle peut masquer ce qui a trait aux associations en tant que fait social et politique, questions centrales si l’on considère que la société se porte mieux s’il est possible d’y être affilié dans un espace commun de co-existence (autre qu’un espace

dédié à la consommation). Les enjeux de cohésion sociale et de projets politiques qui se présentent alors sont tout aussi « questionnants » pour les associations.

Trois angles peuvent être adoptés pour relier associations, politique et démocratie :

  • le détour par la longue histoire des corps intermédiaires, faite de répétition et de tournants, qui éclaire, en partie, la situation présente,
  • l’observation des interactions entre les tendances propres au milieu associatif et le courant de politiques publiques,
  • un éclairage sur l’enjeu de la gouvernance, avec les ambiguïtés qu’elle recèle.

1/ Associations, politique et démocratie : peut-on isoler des enjeux propres à notre époque ?

1.1. Les corps intermédiaires entre réalité et déni : une constante dans l’histoire de la démocratie française

La mémoire collective des associations de solidarité rattache souvent l’émergence du fait associatif à 1901, symbole d’une liberté officiellement reconnue et intégrée dans le système politique, et l’émergence d’une organisation significative dans le champ social à l’après guerre. La mobilisation de racines plus anciennes permet de relativiser les caractéristiques de notre époque. Ainsi, l’histoire des relations entre associations et démocratie en France recoupe celle des corps intermédiaires et de leur place selon les régimes politiques : constitutifs d’un ordre social très hiérarchisé sous l’Ancien régime, ils sont radicalement supprimés avec la révolution française qui ne reconnaît aucune intermédiation légitime entre l’individu et le « grand tout » incarné par l’État.

Le contrat social de Jean-Jacques Rousseau est en fait la genèse d’un pacte démocratique que le XVIIIème siècle consacrera comme une forme de religion civile. Certes, le consensus n’était pas établi et dès les premières années de la République s’expriment des voies contraires, prônant tant la décentralisation en matière de politique publique que le droit d’association (comme liberté ou comme mode de cohésion sociale). Mais les rapports de force ont alors penché pour la consécration d’un État central seul garant de la « généralité » et opposé en cela à toute forme de régulation intermédiaire des « particularités ».

Le jacobinisme, d’abord triomphant, ne sera amendé que progressivement au fil du XIXème siècle, avec d’ailleurs la conjugaison (parfois de circonstance) entre des visées de natures différentes : pour certains, l’atténuation progressive de l’interdit d’association n’a en fait traduit que le réalisme – les corps intermédiaires répondant à un principe d’ordre pour « tenir » la cohésion sociale (ou en d’autres termes pour contenir l’agitation sociale et

faire rempart à la révolution en germe) – et pour d’autres l’aspiration à une transformation sociale destinée à instaurer des rapports plus solidaires entre les individus ; le contexte était alors celui de l’industrialisation, de l’émergence de la classe ouvrière, des luttes organisées contre le capitalisme et ses excès. Pierre Rosanvallon[1], qui retrace l’histoire de la société civile face au jacobinisme, qualifie 1848 de « grand tournant » avec une première consécration des principes d’une république sociale, reconnaissant et valorisant l’association comme symbole de rapports sociaux solidaires. Mais il relate par là-même à quel point heurts et retours ont marqué le chemin vers un droit d’association finalement tardivement reconnu par la loi – en 1901 – soit près de 20 ans plus tard que le droit reconnu aux syndicats (droit des syndicats reconnu avec d’ailleurs moins de réserves que pour le droit d’association, assorti quant à lui de capacités très encadrées).

La reconfiguration de ce débat au XXème siècle se présente d’abord en des termes relativement nouveaux : l’associationnisme est supplanté par le syndicalisme, progressivement recentré sur les luttes liées au travail et à l’entreprise; le contexte est alors celui d’une forte influence des idéologies politiques. Le désenchantement politique propre à la deuxième partie du XXème siècle, avec l’effondrement des grandes idéologies, est contemporain d’un repli individualiste que certains relient d’ailleurs aux origines mêmes de la démocratie, qui consacre l’individualisme comme émancipation de l’homme, mais aboutit finalement à une atomisation de la société faite d’égoïsmes juxtaposés (du fait de la déconstruction des affiliations intermédiaires que constituaient par exemple les corporations). D’autres relient cette désaffiliation à l’effet même du capitalisme dont les dérèglements et les excès successifs ont finalement contaminé l’ensemble de la société – devenue société de marché – jusque dans ses rouages politiques les plus nobles : les élus, dont le sens de l’intérêt général est suspecté, ne sont-ils pas « déterminés » par les intérêts particuliers ? L’État lui-même, en tant que gouvernant des affaires publiques, n’est-il pas rabattu à sa fonction gestionnaire au détriment de ce qui a trait à la politique, au sens de construction de la cité, ou encore du bien commun ?

1.2. Quels sont les traits propres au début du XXIème siècle et où situer des champs d’actions possibles pour les associations ?

Ainsi, le début du XXIème ne semble à première vue pas faire date dans une longue histoire de tension entre la société civile et l’État, déjà très largement écrite et dont les termes semblent plutôt accentués que véritablement renouvelés. Il serait également nécessaire d’évoquer, parallèlement, l’histoire du solidarisme et de l’associationnisme, pour souligner comment la question sociale se déplace, mais se rejoue aussi parfois. Il importe alors de rechercher d’autres éléments pour caractériser notre époque et identifier des points d’accroche possible pour le rôle des associations. Des clés d’analyse peuvent être recherchées dans les trois registres du politique, du social et de l’économique, dans un contexte de crise qui accentue probablement les traits de leur configuration.

- Les enjeux du politique : essoufflement ? Ou militance et engagement selon des formes renouvelées ?

Comment situer le rôle des associations dans le débat d’ensemble sur la place des corps intermédiaires? Dans une configuration constante, ou en rupture ? Selon Joël Roman[2], l’un des enjeux actuels se présente en termes de césure entre la culture politique française et la configuration actuelle de la société : la forme de religion civile héritée du siècle des Lumières – où l’État incarne l’intérêt général et transcende les intérêts particuliers – configure encore les mentalités, mais butte sur une réalité qui n’est pas en phase avec le mythe : l’État est radicalement décentralisé, la communication est mondialisée, les engagements trouvent d’autres échelles – à la fois plus locales et plus mondiales – et d’autres modes de réalisation ; ils sont de plus en plus détachés des grandes idéologies et tournés vers des causes nouvelles (comme l’écologie, les échanges équitables, la décroissance).

Dans cette perspective, une question centrale est celle des nouvelles formes d’engagement, des mouvements sociaux plus éphémères et plus contestataires, des recompositions peut-être émergentes dans les associations. Certains de ces mouvements caractérisent un « nouvel esprit solidaire»[3]. La question serait alors de savoir si ces nouveaux modes disqualifient les formes associatives traditionnelles – qui seraient donc en voie d’extinction ou d’instrumentalisation ?– ou si le paysage associatif pourra tirer parti du défi et de la dynamique de ces nouveaux modes d’expression militante, en inventant des coopérations par exemple, ou de nouvelles formes d’implication[4].

- Les enjeux du social : la cohésion sociale comme principe d’ordre ou comme visée de transformation sociale ?

Les associations sont-elles un « groupe social » ? Leurs membres, leurs salariés, leurs bénévoles, leurs publics, sont-ils affiliés, « associés », ont-ils des appartenances communes en termes d’identité et de valeurs ? Une dynamique spécifique est-elle à l’œuvre dans les rapports sociaux du monde associatif ?

La tension entre la cohésion sociale vue comme un principe d’ordre (assurer et organiser les liens nécessaires pour que la société tienne sans désordre ni rupture) ou vue comme quête humaniste d’un « vivre ensemble » renouvelé, pourrait être approfondie dans sa configuration propre à notre époque. Pour les sociologues spécialistes des questions sociales, l’enjeu est central ; mais tous ne présentent pas la même analyse. Certains avancent la thèse du délitement social et de la désaffiliation généralisée[5]. Pour d’autres, le « social de compétition » traduit une recomposition qui atteint le niveau même de l’Etat social, dont la fonction est finalement de qualifier les individus pour la compétition généralisée[6]. D’autres, avec le courant du MAUSS, prônent radicalement la reconnaissance de l’aspiration humaine à des rapports sociaux désintéressés[7]. D’autres encore, comme Serge Paugam, affirment la nécessité de re-mobiliser le principe de solidarité et tablent sur la ré-articulation des différents échelles de solidarité – solidarités de proximité, solidarités institutionnelles – et questionnent à cet égard, sans bienveillance, le rôle effectif des associations[8].

Ces différentes approches, parfois complémentaires, parfois en opposition, sont autant d’accroches possibles pour approfondir le débat du rôle social des associations aujourd’hui.

- Les enjeux de l’économique : rôle usurpé, rôle supplétif ou mode alternatif pour l’économie et la société ?

La question des rapports des associations à l’économie se présente-t-elle en des termes spécifiques ? Selon certains, comme Jean-Louis Laville[9], il s’agit de démonter les idées reçues selon lesquelles il n’y aurait d’économie que capitaliste et de forme d’entreprendre que lucrative, afin de déconstruire le regard porté sur les associations comme acteur économique plutôt médiocre (avec les idées reçues relatives aux qualités gestionnaires plutôt inférieures à la moyenne, aux capacités entrepreneuriales limitées). Il s’agit alors de promouvoir les potentiels d’une autre forme d’entreprendre, non lucrative, compatible avec des rapports sociaux altruistes et un projet durable pour la société. Dans cette optique, l’économie sociale est une forme alternative ; mais elle n’est ni usurpée, ni supplétive, au sens où elle serait principalement sollicitée – de manière temporaire et tant que les vrais opérateurs du marché ne se sont pas organisés – pour favoriser la rencontre entre offre et demande. Elle ne questionne pas seulement l’ordre économique mais bien la conception du social et du politique ; et l’associationnisme conduit à repenser la société sur la base de relations solidaires.

A ce troisième niveau également, différentes « accroches » du débat seraient donc à saisir.

Ces trois niveaux d’analyse sont à appréhender en tant que tels, car ils supposeraient que les options possibles soient appropriées et débattues.

Mais leur interaction forme un «système» qui permet d’appréhender les enjeux propres à notre situation.

En synthèse, on peut dire qu’une conception du rôle des associations tirée vers le politique relie à ce niveau politique un rôle d’affiliation sociale, de promotion sociale, de transformation sociale ; et affirme un modèle économique à part entière, celui du non lucratif de solidarité, inscrit dans une acception de l’économie sociale qui n’est pas la simple juxtaposition de trois formes d’entreprises – les associations, les coopératives et les mutuelles – mais un ensemble représentant une conception propre des rapports entre l’économie et la société. A l’opposé, une conception plus fermée du rôle des associations les considère principalement comme opérateurs-prestataires. Le même terme de « gouvernance » peut en fait se référer à des conceptions sous-jacentes opposées. Entre ces deux pôles, il existe de multiples configurations.

2/ Acteur et / ou système : quels espaces entre l’essoufflement supposé du modèle associatif et la « managerialisation » de la politique publique ?

Un élément d’approfondissement nécessaire à propos de la situation présente réside dans l’interaction (négative ?) entre la situation des associations (en essoufflement ?) et les politiques publiques (en appauvrissement ?).

2.1. Les associations en chiffres : un miroir pour les phénomènes associatifs ?

Les observateurs du monde associatif, en tous cas dans les secteurs de la santé, du social et du médico-social, témoignent d’une forme d’essoufflement du monde associatif : difficulté à trouver de nouveaux administrateurs, crise du bénévolat, insuffisance des financements, climat de concurrence à outrance dans la mouvance des politiques d’appel d’offre systématisé… Ces caractéristiques, qui relèvent du « ressenti », sont en partie confirmées par l’analyse statistique, mais certains résultats des travaux statistiques peuvent

surprendre, car ils sont en décalage avec les idées reçues au sujet des associations. Un détour par les travaux de Viviane Tchernonog[10], qui a effectué une enquête auprès de 13 000 associations (contactées par 1 725 communes), permet de relativiser la généralisation possible des phénomènes à l’œuvre, mais dégage néanmoins des grandes lignes d’analyse possible.

L’échantillon finalement constitué porte sur 9 265 associations, analysées sur la période 1999-2005.

Sur cette base, Viviane Tchernonog estime à 1 100 000 le nombre d’associations vivantes en France en 2005, dont 172 000 sont employeurs (15,6%) et 928 000 sans salariés (84,4%). Elles représentent 1 050 000 ETP salariés et 935 000 ETP bénévoles, correspondant à la contribution de 14 millions de personnes bénévoles. Le chiffre d’affaires des associations est estimé à 59 milliards d’euros, soit plus de 6% du PIB.

- La diversité associative

Viviane Tchernonog distingue 3 types d’associations :

  • associations de type A, dont le projet est articulé à l’action publique (15% des associations ; 82,7% des ressources totales ; 23,2% du volume de travail bénévole).
  • associations de type B, dont le projet présente un fort contenu militant (29% des associations ; 4,9% des ressources totales ; 27,4% du volume de travail bénévole).
  • associations de type C, associations de membres orientées vers la pratique d’une activité (56% des associations ; 12,4% des ressources totales ; 49,4% du volume de travail bénévole).

Les types B et C s’appuient plus sur le travail bénévole, le type A implique la présence de professionnels salariés, ce qui confirme selon l’auteur la pertinence de l’approche distinguant les associations employeurs des associations sans salariés.

Les associations de type A sont d’abord celles du secteur des établissements et services sanitaires, médico-sociaux et sociaux ; avec également les colonies, les OGEC, les centres de formation, les associations d’insertion ; ou encore, pour la culture, les MJC, centres de congrès, théâtres, musées, conservatoires ; également les équipements sportifs ; ou enfin les syndicats d’initiative ; offices du tourisme, centres de gestion des transports locaux, agences de développement économique, etc. Leurs budgets sont importants et principalement alimentés par les financements publics.

Les associations de type B recouvrent plutôt le secteur humanitaire ou la défense des droits et des causes (associations de quartier, d’habitants, de copropriétaire, de défense du cadre de vie, des parents d’élèves, des anciens combattants, de défense de l’environnement). Leurs budgets, souvent limités, sont alimentés pour l’essentiel par les cotisations et les dons.

Les associations de type C, souvent jeunes et fonctionnant à partir de travail bénévole, recouvrent les petites associations sportives et culturelles, de loisir ou de vie sociale de type amicale. Elles ont exceptionnellement recours à l’emploi salarié et utilisent des budgets limités.

Ces différences de « profils » interrogent le mode d’articulation entre l’économique (forme et part des ressources) et le non lucratif (part du bénévolat). Mais sans caricature possible : par exemple le type « B » caractérise un sous-ensemble plus militant, mais dans les deux autres, le bénévolat est significatif et il n’est pas dit que la militance y est absente.

L’interrogation possible à partir de ces différents profils n’est pas tant celle du cadre en présence (le paysage serait figé) mais plutôt celle des combinaisons possibles (interactions, essaimage, passerelles) à partir de la variété des configurations observées.

- Crise des financements associatifs ?

La recomposition des financements est effectivement observée, entre l’Etat et les collectivités locales, mais, globalement, le financement des associations par les budgets publics augmente selon l’auteur ; quant au financement issu du mécénat privé, il ne représente qu’une part très résiduelle et ne croit pas à la mesure de la représentation qui en fait parfois la solution au recul de financements publics. Les dons et le mécénat représentent une part minime des ressources des associations (4,9%), soit 3,8% des ressources des associations employeurs et 9,7% des ressources des associations sans salariés. Reste à voir ce qui résultera des mesures récentes adoptées pour favoriser le mécénat.

Cette analyse générale recouvre en fait des configurations très différentes. Les travaux de Viviane Tchernonog montrent l’existence de 2 grandes catégories : les associations employeurs et les associations sans salariés. Les unes ont des budgets moyens (232 091 euros) sans commune mesure avec le budget moyen des autres (11 715 euros)… Les associations employeurs du secteur social, médico-social, santé concentrent les budgets les plus importants (en moyenne plus de 507 000 euros). 2% des associations, qui ont des budgets supérieurs à 500 000 euros, concentrent à elles-seules 55% du budget de l’ensemble des associations…

La tendance à l’œuvre serait, selon Viviane Tchernonog, celle de la recomposition de la répartition des ressources mobilisables. Avec des stratégies associatives en question : quelles visées, pour quelle politiques, dans quelle logique : coopération ou concurrence entre les associations ? L’auteur évoque à ce sujet la difficulté qui serait celle des nouvelles associations à accéder aux ressources publiques.

- Crise du bénévolat ?

Pas vraiment. Le nombre d’heures bénévoles augmente et Viviane Tchernonog pointe plutôt la reconfiguration à l’œuvre des engagements, avec une vitalité plus marquée dans les associations sans salariés, qui contraste avec la situation des associations employeurs.

Les bénévoles sont pour 76% dans les associations sans salariés, où le volume de travail bénévole a progressé de 6% en 6 ans. Il a, au contraire, diminué de 5% dans les associations employeurs.

Ces tendances contrastées sont-elles un signal ? Sans s’arrêter à l’hypothèse d’un recul général du bénévolat, ne faut-il pas plutôt focaliser sur les conditions de l’articulation entre le registre managerial, qui culmine dans les associations employeurs, et le registre de l’engagement et de la militance ?

- Crise de la vitalité associative ?

Pas vraiment, si l’on se réfère au rythme de croissance des associations. Mais différents types d’associations et différentes tendances sont à observer avec discernement afin de ne pas réduire l’analyse à des généralisations abusives.

Selon Viviane Tchernonog, 37 000 associations vivantes de plus sont enregistrées chaque année entre 1999 et 2005. 63 000 associations en moyenne sont créées par an, mais la mortalité associative est importante dans les premières années. L’auteur évalue en outre à 20% la part des créations qui correspondraient en fait au résultat de fusions, restructurations, ou reconfigurations diverses (de projet, de gouvernance, de partenariat).

Cet indice est peut-être le signe d’une tendance lourde à l’oeuvre. Quelle est la strate actuelle du processus de reconfiguration du paysage associatif ? La ligne d’une reconfiguration déterminée est-elle, ou non, tracée ?

En tous cas le secteur demeure relativement ancien, avec plus du 1/3 des associations créées avant 1980.

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- Essoufflement du modèle et décalage de la réalité avec le « mythe » de l’association et de ses spécificités méritoires ?

Les travaux de Viviane Tchernonog apportent à cet égard quelques éclairages qui « interrogent » la place et le rôle des associations dans le jeu social. Ainsi, leurs dirigeants sont plutôt âgés et majoritairement issus de catégories socio-professionnelles habituées à diriger.Plus de la moitié des présidents ont plus de 55 ans.

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Mais, selon l’auteur, les dirigeants sont en moyenne plus jeunes dans les associations les plus jeunes …

La série historique est actuellement trop courte (1999-2005) pour dégager des tendances d’évolution pour l’ensemble des associations, mais l’auteur observe en tous cas une différence de profil entre l’ensemble et les associations les plus récentes, dont les présidents sont plus jeunes et d’origines moins cernées.

Ainsi, les associations, en général, semblent procéder d’une hiérarchisation sociale très marquée : 42% des présidents sont des cadres moyens ou supérieurs, contre 26% dans la population active… Mais celle-ci semble s’atténuer dans les associations les plus récentes.

Finalement, l’analyse statistique sur ces quelques points recoupe en partie le « ressenti » et des tendances lourdes semblent se profiler (et confirmeraient donc les facteurs d’inquiétude partagés par de nombreuses composantes du monde associatif) : financements en recomposition et combat pour l’accès aux ressources, secteur ancien et socialement stratifié, recul du bénévolat dans certains secteurs… Mais il serait exagérément pessimiste de dénier toute logique alternative et toute absence de marge de manœuvre. A minima, l’observation statistique en rend compte, tant par les différences qu’elle met en évidence (selon les secteurs, selon les âges) que par les mouvements qu’elle fait apparaître (logiques de recompositions, changements de profils chez les plus récentes, vitalité du bénévolat et natalité associative , etc.).

2.2. L’empreinte des dispositifs : quels espaces pour le politique dans les «RGPP[11]» ?

Dans quelle configuration de politique publique cette configuration associative vient-elle s’emboîter ?

Comme le souligne Robert Lafore, la question se pose de savoir si la configuration actuelle ne va pas aboutir à sacraliser l’« action » au détriment de l’« institution »[12] : c’est en tous cas le risque qui se profile par l’empilement de dispositifs qui, dans le secteur du social, du médico-social et de la santé, introduisent une régulation de plus en plus mécanique de l’offre de services et de l’accueil en établissements.

- Dans le domaine des services aux personnes.

L’agrément qualité vérifie en résumé la régularité de l’offre de service en termes de qualité intrinsèque, mais sans intervention publique en vue d’une régulation générale de l’offre (au plan territorial par exemple) ; cet agrément supplante tendanciellement la régulation « historique » (issue des principes des grandes lois de 70 et étendue aux services en 2002[13]) qui entendait garantir un développement des établissements et services sur le territoire et réguler les choix de politique dans une cadre concerté ; ces lois tablaient parallèlement sur l’émergence de projets , analysés et reconnus sous couvert de garanties vérifiées : garanties de qualité intrinsèque et de réponse aux besoins sociaux sur un territoire. Le développement des réponses de gré à gré, par les particuliers employeurs, accentue encore cette évolution.

- Dans le domaine de l’hospitalisation comme dans le domaine des établissements et services sociaux et médico-sociaux, l’ensemble du système de régulation a été progressivement repensé[14].

Les logiques qui en résultent en sont profondément remodelées et se réfèrent en résumé au modèle de la régulation concurrentielle, tout en avançant des références apparentes au modèle de la régulation contractuelle, sans abandonner pour autant les clés de la régulation administrée …![15]

Dans le système antérieur, des instances formelles de concertation (en région) devaient permettre de débattre dans la transparence des orientations générales. Ces instances ont été pour la plupart supprimées ou reconfigurées et il faut donc réinvestir des espaces de débat collectif des politiques publiques, selon des modalités à inventer. Les modes de contrôle ne sont plus individualisés, mais standardisés, avec des financements plus mécaniques (à tel type de structure correspond tel standard de financement, sans examen des configurations spécifiques de populations accueillies ou de projets) ; la contractualisation est parfois une quasi obligation – modèle imposé, condition d’un niveau de financement, etc. – alors qu’elle avait incarné l’espace par excellence d’un réel dialogue entre pouvoir public et porteur de projet. L’évaluation – obligation généralisée faite aux opérateurs de par la loi – butte sur l’écart entre visée et moyen (comment financer les interventions nécessaires pour évaluer à la hauteur des ambitions initiales) ; elle butte aussi sur deux conceptions sous-jacentes opposées, l’une qui opte pour l’efficacité et table sur des standards vérifiables ; l’autre qui table sur un processus permanent (et quasiment une éthique) de l’évaluation comme obligation constitutive d’une relation respectueuse de l’usager. Le mode de régulation de l’offre de réponses – autorisation sur proposition hier, mise en concurrence et appels à projets systématisés demain ? – dénie de plus en plus la légitimité du monde associatif à innover et à participer à la construction de l’intérêt général (même si le discours officiel est à cet égard assez ambivalent, les actes posés en termes de dispositifs sont manifestes).

Enfin, l’affirmation de la place des usagers depuis la loi du 2 janvier 2002 a permis une évolution notable des pratiques, mais génère une double tension : d’une part tension entre l’affirmation de l’individualisation des réponses comme droit des personnes et durcissement des règles de régulation et de financement ; d’autre part tension entre l’usager consommateur, détenteur d’un contrat, et l’usager affirmé comme acteur dans une communauté de vie où les rapports sociaux ne sont pas que des rapports de consommation/prestation.

Il faut donc réellement prendre la mesure de ce qui est contexte – sur lequel l’on peut agir à condition d’une capacité collective – et de ce qui relève de la sphère propre à l’association individuellement prise.

En résumé, la politique publique à l’œuvre dans le secteur social, médicosocial, santé produit un effacement des cadres traditionnels de concertation et de co-construction du «bien commun » qu’est en principe une politique publique, elle ramène de manière assez radicale l’association à une fonction prestataire – celle d’un opérateur dont la forme juridique importe peu (et telle est d’ailleurs bien la visée : niveler et ne pas « discriminer » selon le statut public, privé, non lucratif). Et déconstruit la reconnaissance possible d’une contribution des associations à l’intérêt général[16]. Dès lors, la question est celle de l’adaptation à un système que certes les organisations inter-associatives – dont l’Uniopss – ont (pour la plupart) contesté, mais qui est désormais à l’oeuvre.

- Il reste donc à inventer de nouvelles formes d’actions collectives.

Comment dialoguer avec les pouvoirs publics sur les orientations générales, en dehors d’un cadre formel de concertation désormais peu consistant ? Et, parallèlement (ou de manière indissociable pourrait on dire) il reste à mobiliser dans chaque association de quoi porter un projet et pas seulement déployer des prestations. Prendre la mesure de cette « donne » cerne un champ de responsabilité propre des associations – ce qui leur incombe – et en nomme les bornes – ce qui leur est extérieur et qu’elles ne peuvent que très relativement remodeler, à leur échelle individuelle.

La rationalisation par le principe de concurrence, par exemple, est une épreuve et un révélateur. Car certains y voient classiquement une opportunité de gagner en efficacité – la concurrence pour assainir, rogner les marges et les niches, faire baisser les prix. C’est bien la logique qui sous-tend les choix dans plusieurs secteurs, elle est à l’œuvre, elle produit des effets au sens où l’on observe des recompositions (regroupements, restructurations, et même ruptures) qui ne sont plus anecdotiques mais amorcent une tendance générale. Probablement, d’ici quelques années, le paysage associatif aura évolué (Concentration ? Reconfiguration du rapport public/lucratif/privé non lucratif dans certains secteurs ?). Affirmer cette perspective comme un bien relève de la doctrine. Mais tout aussi doctrinaire serait la posture qui consisterait à dénier toute évolution nécessaire pour les associations elles-mêmes, dans leur configuration individuelle (comment elles portent et mettent en œuvre un projet) comme dans leur configuration collective (comment elles se mobilisent et s’organisent pour agir collectivement).

- Les défis actuels autour desquels l’Uniopss et d’ailleurs la plupart des réseaux associatifs se mobilisent sont multiples. Certains semblent des « incontournables » :

  • continuer à construire des réponses, avec l’usager, suivant « un principe de participation » considéré comme une «ouverture sociétale» et mis en œuvre « dans une démarche globale afin d’impliquer toutes les parties prenantes et de susciter de nouveaux comportements parmi les acteurs »[17] ;
  • moderniser la gestion financière et comptable pour qu’elle serve un projet[18] : il s’agit non seulement d’administrer des budgets, de gérer les comptes d’une année; mais aussi de mobiliser des ressources nouvelles (autres) pour desserrer la contrainte de la dépendance aux ressources publiques ; et de renouveler la structure financière pour être en capacité de tenir sur le moyen terme : investir, constituer des réserves, consolider les fonds propre, etc. ;
  • adapter la gestion des ressources humaines pour tenir la tension de la qualité de l’emploi, de la professionnalisation, de la participation, dans une conception ouverte et réaliste des rapports sociaux ;
  • cultiver la militance, en gardant la capacité de penser la société, d’agir dans l’environnement, de mobiliser des énergies autour d’un projet d’action ou de transformation sociale, adopter une démarche prospective ;
  • remobiliser pour cela un projet pour piloter les niveaux du politique, c’est-à-dire articuler l’interne – la relation avec les usagers, l’action, ses modalités, sa qualité – et l’externe – l’action dans l’environnement institutionnel, l’action dans et sur la société ;
  • rendre plus transparentes les modalités de construction et de décision de ces choix (membres, AG, CA, …) ;
  • agir de manière volontariste avec d’autres dans l’espace commun – le quartier, la ville, le territoire rural, le département, la région – .afin de construire collectivement le collectif (malgré l’invitation implicite à ne penser les rapports sociaux, dans la sphère privée comme dans la sphère publique, en termes d’échanges marchands et de compétition salutaire) : autrement dit coopérer d’autant plus dans la construction du collectif (observation sociale, projets de territoires, …) que le système pousse à la concurrence et que les espaces de concertation institués se réduisent.

Dans cette perspective, l’Uniopss, d’une manière très générale, a retenu comme l’une de ses missions principales la promotion – et la rénovation – du non lucratif de solidarité. Autrement dit, il s’agit de tenir les deux bouts de la chaîne : une visée politique et des conditions pour qu’elle puisse réellement se matérialiser. Car, « dans la grande transformation du monde qui s’opère sous nos yeux, à laquelle s’ajoute la crise » (…) « l’association de solidarité, facteur de cohésion sociale, mais aussi corps intermédiaire historique d’une démocratie qui cherche à renouveler sa légitimité, a son mot à dire »[19].3/ Tabler sur une gouvernance associative rénovée : remède ou visée ?

Dans ce contexte, les questions sur lesquelles buttent les associations n’en sont pas moins réelles ni moins délicates, mais peuvent être formulées en des termes quelque peu nuancés : la question de la gouvernance, au sujet de laquelle l’Uniopss développe différents modes de mobilisation, est centrale ; mais elle suppose que l’on nomme ses différentes dimensions (sans la réduire à sa composante managériale). Ainsi la gouvernance est au centre de différentes questions qui semblent se présenter de manière dissociée, tels que : évaluation et qualité, ressources humaines et rapports sociaux, militance et engagement, associations et concurrence, politique et associations[20].

Pour Jean Afchain[21], l’association d’action sociale (authentique) a deux points d’appui, le projet solidaire et la mobilisation citoyenne et c’est bien la conjugaison de ces deux visées qui en fait l’essence. L’association marche sur deux jambes et le risque serait selon lui que pour faire marcher au pas la première l’on en vienne à casser la seconde… Autrement dit, la seconde jambe représente la démocratie interactive qui voit l’individu s’associer avec d’autres pour un projet commun – être acteur du bien commun en dehors des moments où il vote – et de se sentir utile par son engagement. Mais en cela, l’individu peut aussi se sentir concerné et acteur politique éventuellement critique des orientations politiques générales. Car agir auprès des personnes les plus fragiles – c’est la première jambe du projet solidaire – conduit au constat de l’exclusion, de la souffrance, de l’injustice et questionne jusqu’à quel point l’on peut se contenter de réparer, compenser, « prester », sans se révolter et agir en politique sur les causes, les choix généraux qui laissent les individus dans de telles conditions.

- Quelle gouvernance ?

La formulation militante qui plaide pour la remobilisation des projets citoyens dans les associations illustre la question des rapports des associations à la politique au sens de construction du bien commun (et pas au sens réduit à la politique publique). A l’opposé, une certaine conception de l’association et de sa gouvernance, considérée sous son acception managériale, renvoie principalement aux registres de la rationalisation : elle ne traite que d’une partie des enjeux et occulte tout la dimension systémique du sujet : les choix politiques généraux ne sont pas sans effet sur la configuration actuelle et les associations peuvent tout simplement s’épuiser si, au bout du compte, se profile avant tout une société où seule serait légitime leur capacité à « prester ». Si le système réel en place les dénie entièrement en tant qu’acteur social et politique – corps intermédiaire, donc – la quête ou l’exigence de progrès de gouvernance est un leurre ou une cause vouée à l’échec. Mais si, clairement, le rôle des associations est reconnu, mobilisé sans ambivalence, alors les défis à relever ont du sens et il demeure utile de cultiver toutes les améliorations possibles : gestion, ressources humaines, évaluation, militance, vitalité des rapports sociaux, coopération dans l’espace commun. Tabler sur la gouvernance[22], c’est dans cette perspective remobiliser le projet et tous ses potentiels, réajuster le sens et l’action, agir au quotidien en pensant l’avenir. L’association a ses deux jambes, le personnage a une tête, il pense, s’engage avec d’autres, évolue et agit avec le souci du « mieux faire»… pour le « bien commun »… Il ne s’agit là ni d’un conte moral ni d’une utopie, mais d’une visée qui ne prend sens que si la société assume des acteurs autres qu’opérateurs, des rapports sociaux solidaires, une place pour le non lucratif de solidarité dans l’économie et une place pour les corps intermédiaires dans le jeu social et politique (avec tout l’enjeu, qui surplombe souvent ces débats, de ne pas réduire le politique au politicien)[23]. Une telle visée suppose, pour être crédible, des réalisations concrètes dans la pratique associative. Il existe, de fait, des constructions effectives en ce sens[24].

- Quelle visée politique ?

Joël Roman soulignait, lors d’une intervention sur les rapports entre la démocratie et les associations, une certaine ambivalence de ces dernières par rapport au politique, avec une hésitation à se sentir en légitimité et en responsabilité à ce niveau. Et finalement, le scenario le plus pessimiste serait de considérer que le rôle assigné et le rôle de fait choisi par les associations concordent et les profilent vers l’état d’acteurs gestionnaires, par là-même de moins en moins différenciables des autres formes d’entreprises. Une autre lecture de cette ambivalence laisse ouvert un éventail de possibles, dont le scénario de la ré-appropriation de la dimension sociétale (sociale et politique) des associations. Ainsi, les observateurs du milieu associatif font certes état de courants très pessimistes, accentués par le contexte de crise. Mais il existe aussi des courants contraires.

Une lecture plus optimiste de la situation consiste à assumer une forme d’incertitude. D’abord pour éviter de caricaturer le monde associatif à force de le généraliser ; et aussi pour préserver un espace des possibles. Il n’existe pas un profil de dirigeant associatif définitivement cerné en « manager » ; ni un profil d’administrateur, nécessairement découragé ; ni un profil d’association, désormais opérateur-prestataire. Il existe des craintes, des risques, des défaillances, mais aussi des expériences prometteuses, des militants actifs, de nouvelles formes d’engagement, des mouvements novateurs et des initiatives qui trouvent des solutions au plus près du terrain, même si la résolution générale est en échec. Autrement dit, des « faits porteurs d’avenir » qui, selon le langage des spécialistes de la prospective, peuvent infléchir les tendances lourdes

L’histoire, en somme, n’est pas déjà écrite. Elle le sera très concrètement par les actes des uns et des autres… Elle suppose en tous cas de prendre la mesure de certains pôles de tension au sujet du rôle politique des associations qui, plus que la gouvernance considérée isolément, pourraient focaliser l’attention :

- Au niveau interne de l’association, tensions entre :

  • les valeurs « théoriques » et les modalités réelles de fonctionnement, avec la nature des rapports sociaux qui en découlent ;
  • l’histoire, le présent et le futur, avec l’enjeu des tournants à prendre et de qui en sera partie prenante.

- Au niveau des dispositifs de secteurs ou du politique institutionnel, tensions entre :

  • logique de coopération et logique de concurrence entre acteurs associatifs ;
  • construction du collectif et rôle d’opérateur ;
  • intérêt général et intérêt particulier.

- Au niveau sociétal, tensions entre :

  • égocentrisme et ancrage territorial ouvert ;
  • ordre social et transformation sociale ;
  • gouvernance « managérialisée » et démarche prospective,

-…

Selon la démarche prospective, au sens de la philosophie politique de Gaston Berger, ces tensions peuvent servir de base pour penser en termes de scenario, d’alternative possible, plutôt qu’en termes de déterminisme ou de système fermé. Des tensions constructives, donc…pour, suivant Gaston Berger toujours, « considérer l’avenir non comme une chose déjà décidée et qui, petit à petit, se découvrirait à nous, mais comme une chose à faire, dont la nature dépendra à la fois de nos forces, de notre habilité, de notre courage et d’un certain nombre de circonstances que nous ne pourrons jamais prévoir dans tous leurs détails ». Ces propos datent de 1958 ; sont-ils finalement dépassés ? Probablement pas. Ils invitent en tous cas à investir le terrain du débat, afin d’expliciter les logiques à l’œuvre, les différences d’optiques qui les sous tendent et de choisir véritablement des chemins pour l’action.

L’Uniopss rassemble 23 Uriopss et 120 associations nationales, représentant environ 25 000 établissements et services à statut associatif autour d’un projet. Son slogan, «Unir les associations pour développer les solidarités» résume les valeurs communes qui le fondent: primauté de la personne, non lucrativité et solidarité, participation de tous à la vie de la société, innovation dans les réponses sociales, alimentée par la réponse aux besoins. Les orientations de l’Uniopss, dans cette perspective, recouvrent :

Deux ambitions :

  • Être reconnue comme la coordination inter fédérale, inter organisme, inter sectorielle du secteur non lucratif sanitaire, social et médicosocial et contribuer ainsi à une meilleure organisation du monde associatif de solidarité.
  • Développer avec ses adhérents un modèle d’entreprise sociale, économique et politique contribuant à la mission de transformation sociale des associations. Modèle pertinent au XXIème siècle pour assurer le maintien et le développement de l’offre non lucrative en France et en Europe.

Et trois missions :

  • Organiser une concertation et une représentation transversales et globales aux secteurs traditionnels de l’action sanitaire et sociale,
  • Veiller, notamment, aux intérêts des personnes vulnérables et fragiles dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques,
  • Valoriser le secteur non lucratif de solidarité en France et en Europe et contribuer à sa modernisation.

Le XXXème Congrès de l’Uniopss à Lyon, les 27, 28 et 29 janvier 2010, a pour thème « Les solidarités à l’épreuve de la crise : intérêt général ou compétition ?» www.congres-uniopss.fr.

[1] P Rosanvallon, Le modèle politique français. La société civile contre le jacobinisme de 1789 à nos jours, 2006 Seuil.
[2] Joël Roman, Chronique des idées politiques contemporaines, Bréal, 2009.
[3] Bruno Frère, Le nouvel esprit solidaire, DBB, 2009.
[4] En ce sens, voir par exemple les rencontres nationales de la participation citoyenne, organisées à Caen les 12 et 13 novembre 2009 par un collectif d’associations ( Advocacy, ATD, Croix Rouge, Fondation Armée du Salut, Fnars, Uniopss et Uriopss) ; Union sociale, décembre 2009
[5] Robert Castel, L’insécurité sociale, La République des Idées, Seuil 2003
[6] Jaques Donzelot, Le social de compétition, Esprit, novembre 2008
[7] Philippe Chanial, Justice, don et association , la délicate essence de la démocratie, Paris, Mauss, La Découverte, 2001
[8] Intervention au Congrès Uniopss, Nantes, 2007. Voir « Repenser la solidarité », sous la direction de Serge Paugam, Puf, 2006
[9] Notamment le Dictionnaire de l’autre économie, DBB
[10] Viviane Tchernonog, Le paysage associatif français : mesures et évolutions, Dalloz, 2006.
[11] Réformes générales des politiques publiques.
[12] Robert Lafore, Conseil de prospective Uniopss, 2009 (parution en cours).
[13] loi 2002-2 du 2 janvier 2002
[14] Sur l’impact de la loi Hôpital Santé Patients Territoires du 21 juillet 2009, voir Arnaud Vinsonneau, Dictionnaire Permanent, Editions Législatives, numéro spécial, septembre 2009
[15] Sur les différents types de régulation, voir notamment Elizabetta Bucolo, La démocratie, un enjeu pour les associations d’action sociale, DBB, 2009.
[16] Bernard Delanglade, directeur de l’Uriopss PACAC Union sociale, juillet 2009
[17] Hubert Allier, directeur général de l’Uniopss, Union sociale, décembre 2009 ; voir également, dans ce N°, le dossier sur « la participation une voie citoyenne »
[18] Plate forme politique « Pour des choix budgétaires et de financement qui réconcilient gestion et solidarité », Uniopss février 2007 www.uniopss.asso.fr
[19] Dominique Balmary, président de l’Uniopss, Union sociale, novembre 2009
[20] En ce sens notamment, Plaquette Uniopss, « Où en êtes vous avec la gouvernance associative » distribuée au XIX° Congrès de l’Uniopss, novembre 2007.
[21] Les associations d’action sociale, Dunod,
[22] Voir par exemple Uniopss « Où en êtes-vous de la gouvernance ? », Plaquette distribuée au Congrès de Nantes, novembre 2007
[23] Dans cette perspective, voir le thème du Congrès Uniopss, janvier 2010, à Lyon : Les solidarités à l’épreuve de la crise, intérêt général ou compétition ?
[24] Voir par exemple la démarche de l’Uriopss Lorraine, « Les solidarités gagnantes », www.uriopss-lorraine.asso.fr

Christine Chognot, adjointe au directeur général, Uniopss, en charge de l’animation de la mission de prospective et du conseil de prospective de l’Uniopss.

Cette conférence a été prononcée dans le cadre du débat de l’Université populaire et citoyenne, Cnam – Institut Polanyi, le 2 décembre 2009, autour de l’ouvrage sous la direction de Joseph Haeringer, La démocratie, un enjeu pour les associations d’action sociale, DBB, 2009.

Cette réflexion est également proposée en lien avec les travaux effectués dans le cadre du master « sociologie de l’association et action dirigeante » de Sciences Po Formation continue, IEP de Paris.