Écrit par Elisabeth Carbone
Un témoignage d’acteur à propos des SEL, de leur réseau et de leurs diverses expérimentations locales.
Cette intervention a été prononcée le 13 octobre 2007, dans le cadre de l’Université Populaire et Citoyenne de Paris consacrée à L’argent autrement. Elisabeth Carbone est animatrice d’un jardin de légumes – système similaire aux AMAP et présidente de La Route des SEL.
Je suis engagée dans le SEL depuis 12 ans, d’abord au niveau local, et ensuite aussi au niveau national.
J’ai exercé plusieurs métiers dans ma vie, dont celui de céramiste (10 ans), mais aussi d’assistante de direction dans une petite entreprise (4 ans).
J’ai fait le choix de devenir maraîchère en AMAP en 2003, j’ai fait une formation de 9 mois (BPREA – Brevet Professionnel de Responsable d’Exploitation Agricole), et commencé comme maraîchère en AMAP en novembre 2004 pour l’association Terre d’ADELES. Je suis devenue par la suite (en 2006) salariée de cette association.
SEL
Les SEL (Systèmes d’Échange Locaux), sont des groupes de personnes qui pratiquent l’échange de biens, de services et de savoirs au moyen d’une unité d’échange choisie par les membres (fleur, grain, piaf à paris, menhir en Bretagne,…l’imagination est riche !). « J’offre à mon voisin la mobylette qui ne me sert plus, il garde les enfants d’un autre qui donne quelques cours d’informatique à mon fils… » Souvent le SEL recommande une valeur de 1 grain par minute de travail, mais, en fin de compte, le montant d’une transaction est toujours fixé de gré à gré entre deux adhérents.
Les motivations pour adhérer à un SEL peuvent se classer en trois paliers :
- Des besoins pratiques
La possibilité de se procurer des services et des biens auxquels on n’aurait peut-être pas accès autrement. Et un des premiers bienfaits de ces échanges, pratiqués d’égal à égal, c’est de s’apercevoir que chacun a beaucoup de compétences, là où la société laisse souvent croire, aux chômeurs en particulier, qu’ils ne valent pas grand chose…
- Sortir de la solitude
« Le lien vaut plus que le bien ». On hésite parfois à demander un service à un ami, de peur de le déranger s’il n’ose refuser. S’engager dans un SEL, c’est être prêt à répondre aux appels des autres membres, tout en sachant qu’il est admis de refuser ponctuellement une demande. Au SEL, c’est d’abord les rencontres: rencontres festives , goûters, pique-niques, méchouis, randonnées, etc. Rencontres d’échanges : marché ou « bourse d’échange » ou BLE (Bourse Locale d’échange), bourse aux vêtements, bourse aux jouets, chantier collectif, etc. Toutes les possibilités sont ouvertes !
- Changer la société
On est tous d’accord là-dessus : il y a quelque chose de pourri au royaume de l’argent et tout est à changer. Oui, mais comment ? Le fait de baser les relations entre membres sur la confiance, sur le désir d’apporter à l’autre ce qui lui manque, engendre une microsociété qui n’a plus pour but le profit maximum et où toutes les ressources matérielles et intellectuelles du groupe auront été exploitées.
Le plus souvent, un catalogue regroupant les offres et demandes de chaque membre est édité. En plus de ce catalogue ou inclus à celui-ci, beaucoup éditent des bulletins par lesquels les membres du groupe peuvent s’exprimer sur des sujets plus ou moins vastes.
Certains utilisent des feuilles «d’échange» (ou «de richesse») sur lesquelles les participants notent avec qui ils ont échangé et combien d’unités doivent être créditées ou débitées. D’autres utilisent pour cela des coupons à trois volets (un pour chacun des participants, et un pour le comptable du SEL). Coupons ou feuilles sont retournés périodiquement au comptable afin que les comptes de chacun soient tenus à jour ; généralement, ces comptes sont portés à la connaissance de tous. Dans d’autres groupes, c’est un carnet qui est utilisé et chacun tient à jour ses propres comptes, il n’y a plus de comptabilité centralisée, mais chacun est responsable de l’échange qu’il fait et des comptes de son partenaire. D’autres encore expérimentent l’absence partielle ou totale de comptabilité.
SEL’idaire
La diversité étant très grande dans les SEL et l’indépendance de chacun très forte, ce mouvement refuse tout fédéralisme. Une association, SEL’idaire, existe cependant. Elle a pour rôle :
- de favoriser la communication entre les SEL : elle permet une mutualisation des expériences, de discuter des principes de base des SEL, de diffuser des articles sur tous sujets sur et autour des SEL.
- d’informer auprès de tous public: c’est un support logistique pour les SEL, elle permet de faire connaître le fonctionnement et la philosophie des SEL, elle fournit les adresses des SEL et aide à créer un SEL (avec, entre autre, la brochure SEL Mode d’Emploi).
Plus d’infos sur les SEL sur le site de SEL’idaire.
La Route des SEL
C’est une association 1901 qui a pour but de favoriser les rencontres entre adhérents des SEL en utilisant leurs possibilités d’hébergement.
Les adhérents offrent toutes sortes d’hébergements, de courte ou de longue durée, allant du canapé à l’emplacement pour une tente, en passant par le gîte, voire la mise à disposition de leur maison, caravane ou bateau.
La Route des SEL, est un atelier de SEL’idaire qui compte actuellement environ 900 adhérents, tant en France qu’à l’étranger ; ils sont regroupés dans le catalogue qui paraît en début d’année, complété ensuite par un additif.
Plus d’infos sur le site : http://www.route-des-sel.org/
La Route des Stages
La Route des Stages est un réseau permettant à des personnes de partager, d’acquérir, de transmettre des savoirs et des savoir-faire, des passions, des apprentissages de techniques sous forme de stages.
La Route des Stages permet également à des personnes éloignées de se rassembler autour d’un pôle d’intérêt commun ou d’un projet et de coopérer.
La Route des Stages rend accessible des propositions rares ou insolites ainsi que la redécouverte de métiers anciens ou peu connus.
Elle fonctionne uniquement par Internet à l’aide d’un catalogue interactif ou par l’intermédiaire de correspondants locaux.
Plus d’infos sur le site : http://route.stages.free.fr/
AMAP
Une AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) a pour objectif de préserver l’existence et la continuité des fermes de proximité dans une logique d’agriculture durable, c’est-à-dire une agriculture paysanne, socialement équitable et écologiquement saine, de permettre à des consommateurs d’acheter à un prix juste des produits d’alimentation de qualité de leur choix, en étant informés de leur origine et de la façon dont ils ont été produits, et de participer activement à la sauvegarde et au développement de l’activité agricole locale dans le respect d’un développement durable.
Elle réunit un groupe de consommateurs et un agriculteur de proximité autour d’un contrat dans lequel chaque consommateur achète en début de saison une part de la production qui lui est livrée périodiquement à un coût constant. Le producteur s’engage à fournir des produits de qualité dans le respect de la charte des AMAP.
Voir la charte des AMAP
Plus d’infos sur Wikipedia
Les sites en régions :
- Provence
- Rhône Alpes
- Midi Pyrénées
- Ile de France
- Aquitaine
AMAP, SEL : deux systèmes faits pour se rencontrer
Dans le principe des AMAP, un groupe de consommateurs s’engage à acheter la production annuelle d’un maraîcher selon une procédure fixée de gré à gré. Les SEL eux, sont un moyen actuel d’échanger services et biens sans argent. Ces deux systèmes, basés sur une volonté d’entraide, peuvent-ils se rencontrer ?
L’AMAP est destinée à apporter à de petits agriculteurs soumis à de grandes difficultés financières une aide primordiale en leur garantissant une vente non soumise aux fluctuations du marché au moment où ils en ont le plus besoin. Chez les Sélistes, en revanche, prévaut la volonté de faire appel le moins possible à la monnaie officielle. Impératifs apparemment contradictoires.
Mais on s’aperçoit que parallèlement, il y a dans les AMAP une volonté de trouver des solutions pour rendre accessible les légumes de qualités aux personnes à faible revenus et dans les SEL un désir « vivrier ».
Dans certaines AMAP, des paniers solidaires sont expérimentés : les adhérents qui le peuvent payent un peu plus cher leur panier pour permettre de baisser le prix à d’autres. « La Courgette solidaire » en Ile de France, expérimente les chèques services, aides alimentaire des services sociaux des municipalités en réservant chaque semaine trois paniers solidaires.
Et puis dans différents SEL, en région parisienne ou dans le sud-ouest, ont surgi des discussions pour trouver des solutions susceptibles à la fois d’apporter aux maraîchers le soutien dont ils ont besoin, mais aussi aux Sélistes les moins argentés la possibilité de se fournir au moindre prix en produits de bonne qualité.
Terre d’ADELES
L’association Terre d’ADELES (Association pour le Développement d’Echanges Locaux, Equitables et Solidaires) a été crée en novembre 2004.
Terre d’ADELES a pour but de promouvoir des modes de consommation écologiquement responsables et solidaires. Elle accompagne des familles de Pessac (33) dans la mise en oeuvre d’outils concrets permettant d’appliquer au quotidien les principes du développement durable. Les adhérents de TdA sont mobilisés autour :
- d’un « jardin » de proximité cultivé en bio et animé par des maraîchers, dont ils achètent la production en même temps qu’ils aident aux cultures,
- de contrats locaux avec d’autres producteurs (de type AMAP),
- d’actions de sensibilisation au développement durable et à l’économie solidaire,
- d’un Système d’Echange Local (SEL).
Panier selidaire
Comme la plupart des AMAP, Terre d’ADELES a eu, dès le départ, parallèlement au souci de permettre aux producteurs d’obtenir un revenu décent, une réflexion sur l’accès aux légumes aux personnes à faibles revenus. Et comme il y a un SEL au sein de Terre d’ADELES, c’est tout naturellement que l’expérimentation de 4 jardiniers selidaires s’est mise en place pour la saison 2007 !
Les personnes concernées ont le même engagement que les autres abonnés paniers, à savoir : venir chercher les paniers toutes les semaines, acheter les récoltes à l’avance, venir sur le terrain régulièrement au moins une fois par mois lors d’un chantier collectif, aider à 3 distributions dans l’année. Mais elles ne payent leur demi paniers que 1,5 euros au lieu de 8 euros et 120 unités SEL (des fraises chez nous) correspondant à 2 heures. Sur leur carnet d’échange et sur celui du jardin seront notés leurs échanges. D’autres services peuvent être rendus à l’association et donner lieu à l’échange de fraises le cas échéant, mais il est impératif qu’une partie du temps dû corresponde à une aide effective des jardiniers sauf cas de figure exceptionnel qui sera examiné par le CA et les jardiniers (maladies, vacances,..).
Problèmes rencontrés :
- Manque d’assiduité pour certains (malade, mal au dos,…)
- Efficacité au travail un peu faible (avec la régularité, cela s’améliore!)
Projets d’avenir :
- 10 paniers selidaires financés en partie par la municipalité.
- Intégrer encore plus le SEL dans la pratique du jardin, trouver une solution pour que tous les abonnés paniers qui aident au jardin reçoivent des fraises ; que l’adhésion et/ou les paniers de légumes soient en partie en euros en partie en fraises,….
- Trouver des solutions pour les personnes malades (pas de sécurité sociale prévue dans le SEL!): se faire remplacer par d’autres personnes du SEL, mettre en place des paniers solidaires (comme présenté précédemment).
Autres expériences connues
Un SEL – AMAP vient de se créer vers Nancy (site : http://www.burthecourt.com/)
Quelques infos diverses en lien avec les AMAP
Le foncier et les collectifs d’achat de terres en commun
Une des difficultés pour l’installation de jeunes agriculteur est l’accès au foncier de plus en plus onéreux. Les consommateurs s’organisent en créant des collectifs d’achat de terre en commun pour sauver les terres fertiles. Voir à ce propos le site de Terre de liens, qui accompagne ces projets, ainsi que l’expérience à Saclay de la SCI terres fertiles.
La formation, avec le CREAMAP, Centre de Ressources pour l’Essaimage des AMAP.
La technique et le Bois Raméal Fragmenté
Le BRF est une technique pleine d’espoir pour l’avenir de l’agriculture, du maraîchage et de la culture des céréales en particulier, avec une aggradation spectaculaire des sols (au lieu d’une dégradation). Il s’agit de bois de feuillus d’un diamètre inférieur à 7 cm qui est broyé et étendu sur le sol sur 3 cm. Ces rameaux ont la particularité d’être très riches en nutriments, tanin, lignine, polyphénol, etc… C’est un milieu propice au développement de champignon lignivore, en vers de terre créant une dynamique d’autogestion du sol.
La mutualisation des expériences
- «Le lien circuit court»
Il s’agit dune liste de discussion qui permet aux AMAP et aux circuits courts consommateurs/producteurs (agriculture ou autres domaines) de communiquer entre eux, de mutualiser leurs expériences, de faire passer des informations, des recettes de cuisine, et de s’organiser localement. Cette liste est ouverte aux responsables de ces associations, mais aussi à leurs adhérents consommateurs et aux producteurs et à toute personne intéressée par ce sujet. C’est un lieu d’échange et un lien entre eux.
- URGENCE
C’est le réseau mondial des partenariats locaux solidaires entre producteurs et consommateurs : les AMAP en France, les CSA dans les pays anglo-saxons, les ASC au Québec, les Teikeis au Japon, les Reciproco au Portugal et équivalents partout dans le monde… Voir le site
- Les aventures de mes débuts de maraîchères dans la revue Passerelle eco
La plupart des textes sont pris en partie sur les sites indiqués et certains inspirés plus particulièrement de ceux de Mylène Rémy – SEL en Puisaye 58