Fondements d’une approche européenne de l’entreprise sociale

Écrit par Jacques Defourny, Sybille Mertens

Cette conférence a été prononcée le 25 juin 2007, dans le cadre de la journée de l’Université populaire et citoyenne de Paris : « Reconfigurer les rapports entre économie et solidarité : associations, coopératives et entreprises sociales ».

Introduction

Alors que pratiquement personne ne s’y référait il y a encore une quinzaine d’années, la notion d’entreprise sociale est en train d’opérer une étonnante percée des deux côtés de l’Atlantique.

En Europe, on reconnaît à ce nouveau concept une filiation très nette avec les différentes approches qui tentent de cerner l’existence d’un troisième secteur, au-delà du secteur privé capitaliste et du secteur public : économie sociale, secteur nonprofit, économie solidaire, voluntary sector. L’entreprise sociale n’est toutefois pas le terme qui désigne toute organisation faisant partie de ces ensembles. Cette nouveauté conceptuelle résulte plutôt d’un double constat que l’on peut poser sur le troisième secteur : d’une part, de nouvelles organisations présentant des caractéristiques originales se créent au sein du troisième secteur et en constituent un nouveau sous-ensemble (qui parfois même déborde les frontières de ce dernier), d’autre part, on assiste au développement d’un nouvel esprit entrepreneurial qui touche et refaçonne des expériences plus anciennes de ce troisième secteur. Par conséquent, loin de se substituer aux conceptions existantes, la notion d’entreprise sociale et le potentiel analytique qui s’en dégage peuvent être vus comme un éclairage susceptible d’enrichir ces conceptions et de mettre en lumière certaines dynamiques particulières au sein des organisations du troisième secteur.

Aux États-Unis, l’idée d’entreprenariat social est relativement large et recouvre des acceptions très variées (Mair et Marti, 2006). Une tendance dominante consiste à entendre par cette appellation des initiatives économiques marchandes développées au service d’un but social. L’entreprise sociale est alors vue comme une réponse novatrice aux problèmes de financement des organisations « nonprofit », lesquelles se heurtent de plus en plus fréquemment à des limites dans la collecte de dons privés ou dans leur recherche de subsides auprès des pouvoirs publics et auprès des fondations. Selon Dees et Anderson (2006), une autre école de pensée importante donne une place centrale à l’innovation sociale. C’est alors le profil de l’entrepreneur social qui est mis en exergue, ainsi que sa créativité, son dynamisme et son leadership pour concrétiser des réponses nouvelles à des besoins sociaux, voire sociétaux[1]. En écho significatif à l’émergence de ces nouveaux concepts, on peut noter, parmi d’autres repères possibles, la mise sur pied, à la suite de l’initiative prise par la Harvard Business School[2], de nombreux programmes de formation et de soutien à l’entreprise sociale ou à l’entreprenariat social par les grandes universités (Columbia, Berkeley, Duke, Yale, New York, etc.) ainsi que par diverses fondations.

On le comprend aisément. Si, ici et là, les mots utilisés sont les mêmes, les réalités qu’ils entendent décrire peuvent être fort différentes. C’est pourquoi, il nous paraît important de clarifier les bases de l’approche européenne de l’entreprise sociale tout en essayant de jeter des ponts entre cette démarche et les écoles de pensées nord-américaines qui utilisent ce même terme. Cette clarification est nécessaire pour favoriser le dialogue entre les approches et contribuer ainsi à l’enrichissement mutuel des capacités d’analyse qui leur sont sous-jacentes.

Avant d’aborder l’émergence du concept d’entreprise sociale, nous rappelons d’abord brièvement les principales approches qui, depuis un quart de siècle, ont été développées pour saisir les réalités du troisième secteur (1). Nous essayons ensuite de voir dans quelle mesure, au sein de ce dernier, on peut identifier un nouvel entreprenariat social (2) et comment, en Europe, on l’a appréhendé sur le plan conceptuel (3). Ensuite, nous présentons les premiers développements théoriques qu’a favorisé l’émergence de ce nouveau concept (4). Enfin, nous montrons comment on peut enrichir la démarche européenne en la faisant entrer en dialogue avec les récentes évolutions observées sur la scène nord-américaine (5).

1. La conceptualisation du troisième secteur

C’est au milieu des années 1970 qu’a commencé à se forger l’idée d’un troisième secteur, composé des organisations qui n’appartiennent ni au secteur privé classique, ni au secteur public. Certes, ces organisations étaient déjà très présentes dans de nombreuses branches d’activités et elles faisaient déjà l’objet de travaux scientifiques ou de politiques publiques spécifiques, mais l’agrégation de l’ensemble de ces entités et les constructions conceptuelles pour justifier un tel rassemblement ne sont apparues qu’il y a une trentaine d’années.

Aux États-Unis, ce sont surtout les travaux de la Filer Commission et, en 1976, le lancement, à l’Université de Yale, du « Programme sur les organisations nonprofit » (Program on Nonprofit Organizations), impliquant 150 chercheurs, qui ont marqué un saut décisif dans la conceptualisation des nonprofit organizations (NPO) et du nonprofit sector. Depuis, une vaste littérature scientifique sur les NPO s’est développée à partir de disciplines aussi variées que l’économie, la sociologie, la science politique, la gestion, l’histoire, le droit, etc. [3]

En Europe, la diversité des contextes nationaux sur les plans sociopolitique, culturel et économique n’a pas permis une prise de conscience aussi large et rapide de l’existence d’un troisième secteur. Cependant, les réalités économiques qui ont été progressivement perçues à travers cette grille de lecture étaient déjà très importantes dans la plupart des pays. De plus, elles étaient ancrées dans des traditions solides et anciennes : des organisations de type mutualiste et de type coopératif existaient un peu partout depuis plus d’un siècle, tandis que les initiatives économiques de type associatif se multipliaient, elles aussi, depuis longtemps.

En fait, sans nier que les perceptions du grand public restent très marquées par les contextes historiques propres à chaque pays, on peut affirmer que deux conceptualisations du troisième secteur, accompagnées de travaux statistiques visant à quantifier le poids économique de celui-ci, se sont progressivement diffusées à l’échelle internationale : l’une s’appuie sur l’approche déjà évoquée du « secteur nonprofit » ; l’autre, d’origine française, a forgé le concept d’ « économie sociale » pour rassembler les coopératives, les mutualités et les associations (auxquelles on ajoute de plus en plus souvent les fondations)[4]. Bien que la première approche ait le grand avantage d’avoir d’emblée été véhiculée par la langue anglaise, la seconde a trouvé un écho sans cesse croissant en Europe et est aujourd’hui relayée au niveau des institutions de l’Union Européenne[5]. En outre, l’économie sociale est de plus en plus reconnue dans d’autres parties du monde. Enfin, l’approche « économie sociale » se trouve actuellement enrichie, bien plus que concurrencée, par les analyses – elles aussi de plus en plus fécondes – fondées sur la notion d’économie solidaire, même si les deux types d’approche semblent parfois avoir des postures conflictuelles sur certains points.

D’autres constructions théoriques du troisième secteur ont aussi été développées et ont trouvé un écho au niveau international. C’est surtout le cas des approches visant une représentation tripolaire de l’économie, où les trois pôles figurent tantôt des catégories d’agents (entreprises privées, État et ménages), tantôt des logiques économiques ou des modes de régulation des échanges (marché, redistribution publique et réciprocité) qui renvoient eux-mêmes à des catégories de ressources (marchandes, non marchandes, ou non monétaires). Dans ce genre de représentation, le troisième secteur est plutôt vu comme un espace intermédiaire, articulant les différents pôles[6]. La grille analytique de l’économie solidaire se situe clairement dans une telle perspective.

L’importance du troisième secteur est aujourd’hui telle que l’on peut affirmer qu’il est largement associé aux grandes fonctions économiques des pouvoirs publics : à la fonction d’allocation des ressources, avec la production d’une multitude de biens et services quasi-collectifs (dans la santé, la culture, l’enseignement, l’action sociale, les services de proximité, le sport, les loisirs, l’environnement, la défense des droits, etc.) ; à la fonction de redistribution des ressources, avec les contributions volontaires (en espèces ou en travail bénévole) que de nombreuses associations mobilisent et avec la gratuité ou la quasi-gratuité de services très divers à des populations défavorisées ; enfin, à la fonction de régulation de la vie économique quand, par exemple, des associations ou des coopératives sociales sont des partenaires privilégiés des pouvoirs publics pour la remise au travail de chômeurs peu qualifiés risquant d’être exclus définitivement des circuits de l’emploi.

2. L’émergence d’un nouvel entreprenariat

2.1. Les faits marquants

En Europe, trois faits significatifs permettent de dater l’émergence des entreprises sociales au tournant du 21ème siècle. Sur le plan institutionnel, l’impulsion majeure est d’abord venue d’Italie, où le Parlement a voté, en 1991, une loi offrant un statut spécifique de « coopératives sociales » à des initiatives qui se multipliaient depuis plusieurs années en mettant sur pied des activités économiques au service d’objectifs sociaux [7]. Ces organisations se sont alors développées de manière très impressionnante, principalement en réponse à des besoins non ou mal satisfaits par les services publics[8].

Devant le succès de cette innovation juridique, et constatant des évolutions analogues, quoique de moindre ampleur, dans divers autres pays, un réseau européen de chercheurs s’est constitué en 1996 pour étudier « l’émergence des entreprises sociales » en Europe. Baptisé EMES, acronyme de ce thème de recherche[9], et couvrant l’ensemble des quinze pays qui formaient alors l’Union Européenne, ce réseau a progressivement élaboré une approche commune de l’entreprise sociale (Borzaga et Defourny, 2001). Celle-ci a servi de socle conceptuel et théorique à une série de travaux plus empiriques, tantôt centrés sur certaines problématiques comme l’insertion professionnelle de personnes marginalisées sur le marché du travail (Nyssens, 2006), tantôt élargis à des réalités d’Europe centrale et orientale (EMES, 2006).

Enfin, troisième initiative très marquante dans le contexte européen, la politique récente du Royaume-Uni en faveur de l’entreprise sociale mérite une attention particulière : en 2002, le gouvernement de T. Blair a lancé une « Coalition pour l’entreprise sociale » (Coalition for Social Enterprise) et créé une « Cellule entreprise sociale » (Social Enterprise Unit) pour améliorer la connaissance des entreprises sociales et surtout promouvoir le développement de ces dernières dans le pays tout entier[10].

2.2. Une typologie des changements

Pourquoi parler d’un nouvel entreprenariat social et non simplement d’un développement d’organisations « nonprofit » ou d’économie sociale ? Cette question renvoie directement aux théories de l’entreprenariat, que l’on ne prétend pas ici passer en revue. Nous nous contentons de nous référer à l’oeuvre sans doute la plus classique : celle de J. Schumpeter, pour qui le développement économique est un « processus de mise en œuvre de nouvelles combinaisons » dans le processus de production[11].

Selon cet auteur, les entrepreneurs sont précisément les personnes dont la fonction est de mettre en oeuvre ces nouvelles combinaisons. L’entrepreneur n’est pas nécessairement propriétaire d’une entreprise mais, pour Schumpeter, il apporte le changement sur au moins un des plans suivants : l’introduction d’un nouveau produit ou d’une nouvelle qualité de produit ; l’introduction d’une nouvelle méthode de production ; la conquête d’une nouvelle source de matières premières ; l’ouverture d’un nouveau marché ; ou l’organisation renouvelée d’une branche d’activités.

A la suite des travaux de D. Young (1983) et de Ch. Badelt (1997), on peut utiliser une version adaptée de cette typologie des changements et se demander, pour chacun des changements qu’elle retient, dans quelle mesure on peut identifier un nouvel entreprenariat au sein du troisième secteur, que nous dénommons également par la suite « économie sociale ».

Nouveaux produits ou nouvelles qualités de produit

De nombreuses analyses du troisième secteur ont déjà montré que celui-ci s’est souvent développé pour répondre à des besoins auxquels le secteur privé classique ou l’État ne pouvaient donner une réponse satisfaisante [12]. Innombrables sont les exemples d’organisations qui ont inventé de nouveaux types de services pour relever les défis de leur temps. En cela, on peut dire qu’aujourd’hui comme hier, beaucoup d’entre elles naissent ou sont nées d’une dynamique entrepreneuriale. Mais y a-t-il quelque chose de spécifique aux deux dernières décennies ?

En Europe, on peut parler d’un nouvel entreprenariat parce que la crise du modèle de l’État-providence (en termes de budget, d’efficacité et de légitimité) a conduit les pouvoirs publics à laisser à l’initiative privée des réponses qu’ils auraient souvent organisées eux-mêmes si la conjoncture avait été celle des Trente Glorieuses. Le cas du Royaume-Uni est sans doute le plus frappant mais la plupart des États membres de l’Union Européenne ont connu, à des degrés divers, la même tendance.

On a ainsi vu apparaître de nouvelles activités : création de produits financiers éthiques et/ou solidaires, production d’énergie alternative, développement de véritables filières de commerce équitable, etc. On a également assisté au développement de services mieux adaptés aux besoins des personnes, que ce soit dans l’insertion socioprofessionnelle des exclus du marché du travail, l’accueil de la petite enfance, les services aux personnes âgées ou l’aide à certaines catégories défavorisées (enfants maltraités, réfugiés, immigrés, etc.)[13].

Cet entreprenariat apparaît d’autant plus novateur que, même au sein du troisième secteur, il tranche parfois avec le comportement assez bureaucratique et parfois peu innovant de certaines grandes organisations traditionnelles.

Nouvelles méthodes d’organisation et/ou de production

Il est courant de voir l’économie sociale organiser ses activités selon des modalités différentes de celles des secteurs privé ou public traditionnels. Mais ce qui frappe le plus dans les générations actuelles d’entreprises sociales et leur est, dans une certaine mesure, spécifique, c’est l’implication de différents partenaires, de plusieurs catégories d’acteurs : travailleurs salariés, bénévoles, usagers, organismes d’appui et pouvoirs publics locaux se retrouvent souvent associés dans un même projet, alors que les organisations classiques de l’économie sociale ont généralement été fondées par des groupes sociaux plus homogènes[14].

Si cela ne révolutionne pas nécessairement le processus de production au sens strict, les modes d’organisation de l’activité s’en trouvent souvent transformés. On pourra même parfois parler d’une construction conjointe de l’offre et de la demande, quand prestataires et usagers collaborent dans l’organisation et la gestion de certains services de proximité. La mise sur pied de « crèches parentales », en France ou en Suède, constitue une illustration parmi d’autres de telles collaborations.
Nouveaux facteurs de production

Une des spécificités majeures mais anciennes du troisième secteur est sa capacité à mobiliser du travail bénévole. En soi, le recours à du bénévolat n’est donc pas innovant, mais il l’est dans de nombreuses initiatives récentes en ce qu’il permet de produire des biens ou services qui n’étaient pas offerts auparavant.

On notera aussi que le bénévolat a profondément changé de nature au cours des dernières décennies : il apparaît beaucoup moins caritatif qu’il y a quarante ou cinquante ans, mais aussi moins « militant » que dans les années 1960 ou 1970. Assez pragmatique, le bénévole d’aujourd’hui est plus orienté vers des finalités « productives », vers des activités répondant à des besoins ciblés. Il n’est d’ailleurs pas rare que la fonction entrepreneuriale au sens le plus habituel du terme (lancement de l’activité) soit assurée par des bénévoles.

Quant au travail rémunéré, il a lui aussi fait l’objet d’innovations en sens divers. Tout d’abord, les postes de direction et d’encadrement se sont largement professionnalisés. A côté d’un engagement pour la mission sociale de leur organisation, les dirigeants d’aujourd’hui doivent, en raison d’un contexte de plus en plus exigeant (concurrence, subsides plus aléatoires, etc.) démontrer de véritables capacités gestionnaires. Ensuite, de nombreuses organisations du troisième secteur se sont retrouvées aux avant-postes dans l’expérimentation de formes d’emploi nouvelles, en particulier dans le cadre de politiques publiques de remise au travail de chômeurs. Enfin, on peut dire que dans certaines nouvelles formes institutionnelles du troisième secteur, le statut des travailleurs s’est trouvé enrichi par la reconnaissance de ceux-ci comme membres à part entière des instances souveraines de l’entreprise sociale, avec le pouvoir de contrôle et de décision qui en découle.

Nouveaux rapports au marché

Dans un nombre croissant de pays, la tendance est à la délégation et au développement de quasi-marchés pour certains services auparavant assurés par les pouvoirs publics ou par des organismes privés sans but lucratif privilégiés de longue date par l’État.

En effet, dans un souci de réduction des coûts et de meilleure adaptation des prestations aux demandes des usagers, l’autorité publique adopte de plus en plus des systèmes de contractualisation précédés d’appels d’offres. Ceux-ci mettent en concurrence différents types de prestataires pour l’obtention de financements publics liés à la réalisation de cahiers de charges préalablement définis. On notera également que la disparition de certains monopoles publics (par exemple en Suède) ou de monopoles de grandes fédérations nationales de services sociaux (par exemple en Allemagne) stimule l’apparition de nouvelles initiatives privées (avec ou sans but de lucre) d’emblée profilées en fonction de ce nouveau contexte. Le développement de quasi-marchés est également soutenu par des politiques publiques de solvabilisation de la demande. Pour certains services de proximité (par exemple dans les travaux ménagers), les pouvoirs publics peuvent prendre en charge une partie substantielle du coût de production (par exemple via un système de « voucher », comme celui des « titres-services » en Belgique ou des « chèques emplois services » en France). Si ce passage d’une « régulation tutélaire » à une « régulation concurrentielle » s’observe à des degrés divers au sein des différents contextes nationaux, il constitue néanmoins une tendance majeure dans l’évolution des Etats-providence d’Europe occidentale.

Des mutations aussi profondes accentuent inévitablement le caractère entrepreneurial d’une partie au moins des organisations du troisième secteur, au sens d’une ressemblance de plus en plus marquée avec les entreprises classiques[15]. Lorsqu’elles répondent à des appels d’offre, les organisations du troisième secteur se retrouvent dans une logique de concurrence, y compris parfois avec des entreprises à but lucratif. Elles doivent dès lors faire face à un accroissement du risque économique, puisque leur financement est désormais tributaire de leur capacité à capter ces quasi-marchés et à satisfaire leurs usagers. Inévitablement, elles sont contraintes d’instaurer ou de renforcer en leur sein une culture gestionnaire, parfois largement calquée sur celle du monde marchand.

Ces évolutions sont renforcées par l’apparition de nouvelles demandes privées solvables. Dans le domaine des services aux personnes, l’élévation continue du niveau de vie d’une partie importante de la population conduit au développement d’une demande privée qui rompt avec la conception traditionnelle des services à la personne parce qu’elle se révèle solvable. Ainsi, les personnes âgées qui bénéficient d’allocations de pension confortables ou qui ont accumulé une épargne substantielle représentent de nouveaux marchés, mais ceux-ci sont ne sont pas a priori réservés aux organisations de l’économie sociale et sont souvent très concurrentiels.

Nouvelles formes d’entreprises

Comme pour confirmer qu’on est bien en présence d’un entreprenariat plutôt inédit, diverses législations nationales ont construit des cadres juridiques nouveaux, censés être mieux adaptés à ce types d’initiatives que les moules associatifs ou coopératifs traditionnels.

On a déjà évoqué le statut voté en 1991 pour les coopératives sociales italiennes. D’autres législations nouvelles se sont inscrites, elles aussi, dans le modèle coopératif : au Portugal, pour instituer la « coopérative de solidarité sociale » (1997) ; en Espagne, pour faire une place aux « coopératives d’initiative sociale » (1999), cadre à l’intérieur duquel douze régions ont déjà légiféré; en France, pour créer le statut de « société coopérative d’intérêt collectif » (2001) ; ou encore, en Pologne, pour instituer le statut de « coopérative sociale » (2006).

D’autres textes légaux ont été introduits sans se référer explicitement au modèle coopératif, même s’ils y trouvent une part de leur inspiration. Ainsi, en 1995, la Belgique a reconnu la possibilité pour toute société commerciale d’adopter la qualité de « société à finalité sociale » et une nouvelle législation instituant la « community interest company » a été votée au Royaume-Uni en 2004. En outre, la Finlande et l’Italie ont créé, en 2004 et 2006 respectivement, un cadre juridique d’ « entreprise sociale », allant pour le second pays, au-delà du modèle de coopérative sociale.

D’une manière générale, ces nouveaux cadres juridiques visent à encourager les dynamiques entrepreneuriales, souvent à dominante marchande, qui s’inscrivent dans un projet social. Ils permettent parfois de formaliser le caractère « multi-stakeholders » de nombreuses initiatives en associant au contrôle de celles-ci leurs différentes parties prenantes (travailleurs rémunérés, bénévoles, usagers,…). Toutefois, on soulignera que, dans de nombreux pays, une grande partie des entreprises sociales se retrouvent encore sous les statuts classiques du troisième secteur (associations, mutuelles, coopératives ou fondations).

3. La naissance d’un concept

En Europe, ce sont les travaux du « EMES European Research Network » qui ont fourni les premières bases théoriques et empiriques pour une conceptualisation de l’entreprise sociale. Cette approche, construite dans la seconde moitié des années 1990, est le fruit d’un long travail de dialogue entre plusieurs disciplines (économie, sociologie, science politique et management), mais aussi entre les diverses traditions et sensibilités nationales au sein de l’Union Européenne. A ce double titre, elle mérite une attention toute particulière.

Dès 1996, le Réseau EMES s’est attelé à construire un « idéal-type » (au sens de M. Weber), c’est-à-dire un modèle synthétisant les caractéristiques principales du nouvel entreprenariat observées au sein du troisième secteur. Les chercheurs ont ainsi épinglé des indicateurs souvent rencontrés leur permettant d’être attentifs à l’émergence de nouvelles entreprises sociales et facilitant également l’analyse d’organisations plus anciennes reconfigurées par les nouvelles dynamiques internes exposées ci-dessus.

Il importe de noter que ces indicateurs ne forment pas l’ensemble des conditions qu’une organisation devrait remplir pour pouvoir être qualifiée d’entreprise sociale. Ce ne sont pas des critères normatifs et d’ailleurs, ils ne se retrouvent pas tous dans l’ensemble des entreprises sociales analysées par le Réseau EMES. Comme déjà évoqué, ils constituent un « idéal-type » qui, à l’instar d’une boussole, peut aider l’observateur ou le chercheur à situer les entités observées les unes par rapport aux autres, et éventuellement à tracer les limites de l’ensemble qu’il considérera comme celui des entreprises sociales [16]

Les indicateurs énoncés dans les travaux du Réseau EMES [17] sont de deux natures : les uns plutôt de nature économique, les autres à dominante plus sociale. Au sein de ces deux ensembles, on ne manquera pas de reconnaître les caractéristiques habituelles des organisations du troisième secteur qui sont ici complétées ou affinées de manière à témoigner réellement d’un nouvel entreprenariat.

3.1. Les indicateurs de nature économique

Pour appréhender le caractère économique et entrepreneurial des initiatives envisagées, quatre éléments ont été retenus :

Une activité continue de production de biens et / ou de services

L’activité productive représente la raison d’être – ou l’une des principales raisons d’être – des entreprises sociales. A l’inverse de certaines organisations nonprofit traditionnelles, les entreprises sociales n’ont pas comme activité principale la défense d’intérêts, ni la redistribution d’argent (comme c’est le cas, par exemple, de beaucoup de fondations), mais elles sont directement impliquées, d’une manière continue, dans la production de biens et/ou l’offre de services aux personnes.

Un degré élevé d’autonomie

Les entreprises sociales sont créées par un groupe de personnes sur base d’un projet propre et elles sont contrôlées par ces personnes. Elles peuvent dépendre de subsides publics mais ne sont pas dirigées, que ce soit directement ou indirectement, par des autorités publiques ou d’autres organisations (fédérations, entreprises privées,…). Elles ont le droit tant de faire entendre leur voix (« voice ») que de mettre un terme à leurs activités (« exit »).

Un niveau significatif de prise de risque économique

Les créateurs d’une entreprise sociale assument totalement ou partiellement le risque qui y est inhérent. A l’inverse de la plupart des institutions publiques, leur viabilité financière dépend des efforts consentis par leurs membres et par leurs travailleurs pour assurer à l’entreprise des ressources suffisantes.

Un niveau minimum d’emploi rémunéré

Tout comme les organisations nonprofit traditionnelles, les entreprises sociales peuvent faire appel à des ressources tant monétaires que non monétaires, et à des travailleurs rémunérés comme à des volontaires. Cependant, l’activité de l’entreprise sociale requiert un niveau minimum d’emploi rémunéré.

3.2. Les indicateurs de nature sociale

Pour caractériser la dimension sociale des initiatives, cinq indicateurs ont été privilégiés :

Un objectif explicite de service à la communauté

L’un des principaux objectifs des entreprises sociales est le service à la communauté ou à un groupe spécifique de personnes. Dans la même perspective, une caractéristique des entreprises sociales est constituée par leur volonté de promouvoir le sens de la responsabilité sociale au niveau local.

Une initiative émanant d’un groupe de citoyens

Les entreprises sociales résultent d’une dynamique collective impliquant des personnes qui appartiennent à une communauté ou à un groupe qui partage un besoin ou un objectif bien défini ; cette dimension est maintenue dans le temps d’une manière ou d’une autre, même si des difficultés à maintenir cette dimension surgissent parfois, lorsque des personnes ayant joué un rôle important dans la création ou le fonctionnement de l’organisation, et dont le leadership concourait de manière significative à la dynamique de celle-ci, s’en retirent.

Un pouvoir de décision non basé sur la détention de capital

Ce critère renvoie généralement au principe « un membre, une voix », ou tout au moins à un processus de décision dans lequel les droits de vote au sein de l’assemblée détenant le pouvoir de décision ultime ne sont pas répartis en fonction d’éventuelles participations au capital. Même si les propriétaires du capital social ont évidemment leur mot à dire, le pouvoir de décision est généralement partagé avec d’autres acteurs.

Une dynamique participative, impliquant différentes parties concernées par l’activité

La représentation et la participation des usagers ou des clients, l’exercice d’un pouvoir de décision par diverses parties prenantes au projet et une gestion participative constituent souvent des caractéristiques importantes des entreprises sociales. Dans bon nombre de cas, l’un des objectifs des entreprises sociales est de promouvoir la démocratie au niveau local par le biais de l’activité économique.

Une limitation de la distribution des bénéfices

Si les entreprises sociales peuvent être des organisations caractérisées par une obligation absolue de non-distribution des bénéfices, elles peuvent aussi être des organisations qui, comme les coopératives dans beaucoup de pays, ont le droit de distribuer des bénéfices, mais de manière limitée – ce qui permet d’éviter un comportement visant à la maximisation du profit.

3.3. Les premières applications empiriques

Ainsi cadrée, cette approche peut s’avérer féconde sur le plan empirique. A l’expérience, en effet, le faisceau d’indicateurs constitué par le réseau EMES semble former un cadre conceptuel robuste et fiable.

En étudiant 151 organismes primés depuis vingt ans par la Fondation Crédit Coopératif en France, J.-F. Draperi (2003) a retrouvé, au sein de ces organismes, à des degrés divers, la plupart des traits esquissés ci-dessus. Alors qu’il ne pensait pas, au départ, conclure sur l’entreprise sociale, c’est pourtant ce qu’il fait finalement, en se référant à l’approche d’ EMES et en soulignant la capacité d’innovation sociale de ces organismes.

Dans la même ligne, les chercheurs d’EMES ont réalisé un inventaire des différents types d’entreprises sociales dans le champ de la formation par le travail et de la réinsertion professionnelle de personnes peu qualifiées. Portant sur douze pays de l’UE, ce repérage a combiné les indicateurs constitutifs de l’idéal-type « entreprise sociale » avec des critères propres à ce champ, pour forger la notion d’ « entreprise sociale d’insertion » (ESI) ou « work integration social enterprise » (WISE). Le cadre conceptuel ainsi défini a permis d’identifier pas moins de 39 catégories ou modèles d’ESI au sein des douze pays concernés[18].

Le Réseau EMES s’est également employé à utiliser cette grille conceptuelle pour décrire et analyser les entreprises sociales émergeant dans les champs des services aux personnes et dans celui du développement local. Ces recherches ont mis en évidence l’existence, dans les différents pays qui constituaient l’Europe avant l’élargissement de 2004, d’organisations vérifiant, parfois à des degrés divers, les caractéristiques constitutives de l’entreprise sociale[19].

Enfin, le concept d’entreprise sociale se révèle pertinent pour décrire et comprendre la réalité observée dans des contextes géographiques variés. Par exemple, en 2006-2007, le Réseau EMES a réalisé une étude sur l’entreprise sociale dans les Pays d’Europe Centrale et Orientale (PECO) et dans plusieurs pays de la Communauté des Etats Indépendants (CEI), à la demande du le Programme des Nations-Unies pour le développement (Centre régional de Bratislava)[20]. Cette étude et d’autres recherches préalables illustrent combien l’utilisation de l’idéal-type d’entreprise sociale facilite l’énoncé des hypothèses de travail[21]. Il a ainsi été possible de situer par rapport aux différentes caractéristiques constitutives de la notion d’entreprise sociale les observations réalisées dans ces pays. Les chercheurs se sont ensuite attelés à comprendre les spécificités et à les relier aux contextes étudiés. Ils ont ainsi pu mettre en évidence les obstacles culturels, politiques ou juridiques qui entravent le développement des entreprises sociales dans les PECO, ou au contraire souligner les atouts qui permettent d’identifier un réel potentiel de d’émergence et de croissance pour ce type d’organisations.

4. Les premiers jalons pour une théorie de l’entreprise sociale

Dans la dernière phase de sa recherche fondatrice, le Réseau EMES a présenté quelques premiers pas pour l’élaboration progressive d’une théorie spécifique de l’entreprise sociale[22]. Ainsi, Bacchiega et Borzaga (2001) utilisent les outils offerts par la théorie institutionnelle des organisations pour mettre en lumière la nature innovante des entreprises sociales. En outre, les traits définissant l’entreprise sociale sont interprétés comme formant un système original d’incitants, tenant compte des objectifs (potentiellement conflictuels) poursuivis par les différentes catégories de parties prenantes (stakeholders).

De son côté, Evers (2001) développe une analyse plus sociopolitique pour montrer qu’une telle structure, impliquant une pluralité de parties prenantes et poursuivant des objectifs multiples (« muli-stakeholder, multiple-goal »), peut être mieux comprise en faisant appel à la notion de « capital social ». Pour lui, la production de capital social peut aussi devenir un objectif explicite d’organisations comme les entreprises sociales.

Quant à Laville et Nyssens (2001), ils proposent des éléments pour une théorie intégrée d’un « idéal-type » de l’entreprise sociale, combinant les dimensions économiques, sociales et politiques de celle-ci. Eux aussi insistent sur le rôle du capital social, mobilisé et reproduit sous des formes spécifiques. En outre, ils mettent en évidence la nature particulièrement hybride et composite des ressources de l’entreprise sociale et y voient un atout essentiel de celle-ci pour résister aux tendances à l’ « isomorphisme institutionnel » qui menacent toutes les organisations de l’économie sociale.

Enfin, Borzaga et Solari (2001) explorent les principaux défis de gestion auxquels sont confrontés les dirigeants et les membres d’entreprises sociales. Ils s’interrogent également sur les modèles de gouvernance éventuellement spécifiques à celles-ci.

A leur tour, ces différentes lignes théoriques ont fourni les hypothèses de travail pour une vaste recherche comparative centrée sur les multiples formes d’entreprises sociales d’insertion à travers l’Union Européenne. Des travaux empiriques très fouillés ont ainsi été réalisés pour tester ces hypothèses (Nyssens, 2006).

Sur le plan théorique, on peut encore voir dans le concept d’entreprise sociale le vecteur d’une approche plus intégrée de toute l’économie sociale. En effet, l’appréhension de cette dernière souffre régulièrement de deux tensions difficiles à dépasser. La première est celle provenant de l’écart existant entre des entreprises offrant toute leur production sur le marché (comme les coopératives en général), d’une part, et des associations dont les activités apparaissent peu économiques (par exemple celles d’un mouvement de jeunes) et dont les ressources sont entièrement non marchandes, voire non monétaires, d’autre part. Une deuxième tension existe entre les organisations dites d’intérêt mutuel (coopératives, mutuelles et un grand nombre d’associations) qui visent avant tout à servir leurs membres et celles dites d’intérêt général, qui se mettent au service d’une collectivité plus large (par exemple, dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion, la coopération au développement, la protection de l’environnement, etc.). Il ne faut pas cependant pas exagérer cette seconde « tension », qui traduit davantage une différence « historique » entre deux modèles d’action qu’une coupure nette entre les pratiques contemporaines : ainsi, au fur et à mesure de leur développement, de très nombreuses mutuelles et coopératives d’usagers ont offert leurs biens et services à une clientèle non membre, avec des avantages peu différents de ceux réservés aux membres.

Ces deux tensions peuvent être en partie illustrées par le schéma 1. La première y est figurée par la co-existence de deux sphères bien distinctes : d’un côté, celle de la tradition coopérative, qui a généré une littérature et des écoles de pensée spécifiques ; de l’autre, celle des initiatives et mouvements associatifs, qui, eux aussi, ont mobilisé de nombreux sociologues et politologues et trouvé une vigueur particulière dans le courant américain des théories nonprofit. La seconde tension se représente plus difficilement, mais peut s’imaginer à l’intérieur de chacune des deux sphères, si les organisations d’intérêt mutuel figurent plutôt aux extrémités gauche et droite du graphique tandis que les organisations d’intérêt général se situent davantage vers le centre.

Le rôle intégrateur du concept d’entreprise sociale réside avant tout en ce qu’il crée une force d’attraction réciproque entre les deux sphères. Il le fait en désignant, au sein de chaque sphère, des organisations dont il souligne la grande proximité, le choix d’un statut coopératif ou associatif dépendant surtout des dispositifs juridiques offerts par les législations nationales. A titre d’exemple, on peut noter que les entreprises sociales peuvent parfois prendre la forme de coopératives de travailleurs, ce qui correspond aux expériences des coopératives de travail en Finlande, des coopératives agro-touristiques en Grèce ou des coopératives de soins à domicile au Royaume-Uni [23].

Enfin, les lignes en pointillé suggèrent encore une autre perspective, en sortant des deux cercles : si l’essentiel des entreprises sociales ont la forme de coopératives ou d’associations, elles peuvent également se développer dans le cadre d’autres statuts juridiques, comme en témoigne la mise en place, dans certains pays (Royaume-Uni, Finlande, Belgique, Italie,…), de cadres légaux visant à favoriser le développement d’entreprises sociales, au-delà des formes associatives et coopératives (voir section 2).

5. Un dialogue avec les conceptions anglo-saxonnes

On pourrait encore exploiter le schéma 1 pour représenter, quoique imparfaitement, les deux mouvements initiaux qui, en Italie et aux États-Unis, ont fait émerger la notion d’entreprise sociale. Les coopératives sociales italiennes ont incarné, dès le début des années 1990, une volonté d’utiliser le modèle coopératif pour développer des prestations de services sociaux, souvent dans le cadre de conventions avec les pouvoirs publics locaux. En cela, elles élargissaient le moule coopératif classique et s’approchaient des sphères traditionnellement occupées par des organisations associatives dans de nombreux pays européens (ce que suggère la flèche de gauche signalant le déplacement vers la droite de la sphère coopérative). A l’inverse, la quête de ressources marchandes par les « nonprofit organizations » américaines ont poussé celles-ci à adopter des pratiques commerciales inspirées du monde de l’entreprise. En cela, elles se sont rapprochées des réalités vécues par les coopératives qui sont de véritables sociétés commerciales (même si la recherche de profits n’y est pas la finalité première mais plutôt un moyen de poursuivre un objectif plus large), ce que suggère l’autre flèche de droite en sens inverse.

Toutefois, pour rendre compte correctement de la scène nord-américaine, qui ne semble guère faire de place explicite aux coopératives, c’est toute la « business community » qu’il faut évoquer, dans ses différentes interfaces avec l’entreprenariat social.

En premier lieu, il faut rappeler le rôle majeur joué par un nombre croissant de fondations privées. La plupart d’entre elles sont dotées par de grandes fortunes familiales, souvent d’origine commerciale, et elles encouragent des initiatives à finalité sociale, généralement de type « nonprofit », à adopter des stratégies génératrices de revenus (« income-generating strategies ») inspirées du monde des affaires.

Dans la description des interfaces, il convient également de mentionner les partenariats de plus en plus fréquents entre des grands groupes privés et des associations, que ce soit pour la commercialisation de produits liés à des enjeux sociétaux (par exemple dans le domaine du commerce équitable ou de la finance éthique), pour la création conjointe de sociétés dans de nouveaux secteurs (par exemple liés au développement durable) ou toutes autres formes de collaboration. Enfin, une grande variété d’initiatives – allant du sponsoring et du mécénat à des formes plus innovantes – peuvent s’inscrire dans des stratégies de « responsabilité sociale des entreprises » (RSE), que bien des business schools s’empresseront de qualifier d’entreprenariat social.

En d’autres termes, un des traits marquants de l’entreprenariat social nord-américain est certainement sa quête de ressources commerciales et, plus généralement, une sorte de « tropisme » vers le marché et le monde des affaires (Kerlin, 2006). Si de telles dynamiques ne sont pas absentes en Europe, le contexte dans lequel se meuvent les entreprises sociales y est beaucoup plus marqué par l’évolution des politiques publiques, que ce soit dans la lutte contre le chômage, le développement des services aux personnes ou d’autres domaines jugés prioritaires par les gouvernements.

Cette différence majeure se reflète nettement dans les travaux scientifiques. Ainsi, du côté anglo-saxon, il est classique de considérer le degré d’autofinancement (par le produit des ventes) comme la dimension majeure ou, mieux encore, l’axe principal d’ordonnancement des initiatives que l’on peut ranger dans l’entreprenariat social, sachant bien sûr que celui-ci est avant tout au service d’une « mission sociale » plus ou moins innovante.

Au Royaume-Uni, la recherche met également en évidence l’importance des ressources commerciales. Sur ce point, ce pays se démarque de l’Europe continentale et présente des similitudes avec l’approche nord-américaine. Nicholls (2006), par exemple, propose un continuum de l’entreprenariat social allant de l’ « activisme volontaire » (« voluntary activism »), fondé seulement sur des dons et du bénévolat, à l’ « innovation sociale des entreprises » (« corporate social innovation »), qui consiste en des investissements à risque pour une finalité sociale, réalisés dans le cadre d’une société privée de type capitaliste. Entre ces deux extrêmes, il décline différents types d’organisations sans but lucratif, depuis celles qui sont totalement financées par des subventions jusqu’à celles qui sont entièrement autofinancées. Dans son analyse, seules ces dernières méritent l’appellation « entreprises sociales ». En cela, il rejoint une tendance dominante aux Etats-Unis.

C’est cette tendance également qui a inspiré le gouvernement britannique lorsqu’il a lancé, en 2002, une politique de promotion de l’entreprise sociale. La Secrétaire au Commerce et à l’Industrie du Royaume-Uni, en charge de cette stratégie, avait alors avancé la définition suivante : « Une entreprise sociale est une activité commerciale (business) ayant essentiellement des objectifs sociaux et dont les surplus sont principalement réinvestis en fonction de ces finalités dans cette activité ou dans la communauté, plutôt que d’être guidés par le besoin de maximiser les profits pour des actionnaires ou des propriétaires »[24].

Du côté de l’Europe continentale, l’idée que l’entreprenariat social couvre un large spectre d’initiatives ne fait guère problème, tant la notion même d’entreprenariat se prête à des déclinaisons variées. D’ailleurs, les travaux du Réseau européen EMES n’ont jamais prétendu circonscrire toutes les formes d’entreprenariat social : ils ont surtout montré que celui-ci s’inscrit pour une large part dans le troisième secteur. Par contre, une divergence radicale apparaît sur la notion, forcément plus étroite, d’entreprise sociale : dans le contexte européen, il est impossible d’ignorer l’encastrement de très nombreuses entreprises sociales dans les politiques publiques et l’existence d’entreprises sociales à dominante non marchande ou seulement semi marchande.

Un des chantiers les plus récents du Réseau EMES, portant sur les entreprises sociales d’insertion (« work integration social enterprises » – WISEs) à travers l’UE, a abondamment documenté l’orientation « tripolaire » de ces entreprises, qui se situent au croisement des dynamiques de la société civile, des politiques publiques et du marché (Nyssens, 2006). Cela vaut même pour le Royaume-Uni, où le gouvernement identifie lui-même, parmi les entreprises sociales, des « voluntary and community organizations », des « charities », des coopératives ainsi que de nombreuses petites entreprises commerciales. En outre, en 2006, les entreprises sociales ont quitté le Département du Commerce et de l’Industrie pour passer dans les compétences d’un nouveau ministre du « troisième secteur »[25].

S’il fallait tenter de combiner les approches européennes et américaines, une piste pourrait être celle suggérée par Hulgård (2007) : au graphique précédent, il s’agirait d’ajouter deux sphères, représentant respectivement le rôle des pouvoirs publics et l’influence du monde des affaires. Il est vrai qu’en considérant les entreprises sociales dans une zone centrale, plus ou moins large, il est possible de les voir comme pouvant résulter d’une grande variété d’interactions. Au-delà même des comparaisons Europe-Etats-Unis, une telle représentation autorise même l’intégration de variantes de l’entreprise sociale comme celles, à forte dominante étatique, que l’on peut par exemple trouver en Corée du Sud ou au Japon [26].

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Conclusions

Même si toutes les pratiques qu’il désigne ne sont pas nouvelles, l’entreprenariat social est manifestement dans l’air du temps et il ne cesse de se diversifier, que ce soit dans ses expressions organisationnelles, sectorielles, géographiques ou autres.

Comme il s’agit d’une notion très récente, cette diversité croissante et l’ouverture même du concept constituent sans doute des atouts pour ce dernier et des raisons de le prendre au sérieux. Ce sont là aussi les raisons de son succès rapide, tant auprès des responsables publics qu’après des acteurs du secteur privé, qui, chacun à leur manière, découvrent (ou redécouvrent) des possibilités nouvelles de promouvoir en même temps des dynamiques entrepreneuriales et des finalités sociales.

Mais au-delà de cette facette « à la mode », forcément aléatoire, accompagnée et nourrie par des démarches enthousiastes et volontaristes, il est important que se multiplient des analyses rigoureuses, dépassant les « success stories » et les aventures de quelques « héros » poussés en permanence au-devant de la scène. Pour cela, des enquêtes minutieuses sont indispensables pour rendre compte des pratiques effectives ainsi que des échecs autant que des réussites. En outre, un dialogue interdisciplinaire constitue un passage obligé pour éviter des lectures qui feraient l’impasse sur des dimensions essentielles du phénomène. Pour l’instant, ce sont plutôt les sciences de gestion qui, avec pertinence, mettent en lumière le versant entrepreneurial et tous les enjeux liés au management de telles organisations. Ceci est d’autant plus intéressant qu’elles contribuent à faire entrer dans les « business schools » des formes d’entreprises jusque-là assez peu prises en considération. Sur le volet social, en revanche, les sciences de gestion ont sans doute beaucoup à apprendre d’autres disciplines qui explorent le troisième secteur depuis plusieurs décennies.

Pour terminer, soulignons un dernier enjeu majeur. On l’a vu, certains travaux anglo-saxons suggèrent que les frontières entre les secteurs « nonprofit » et « for-profit » tendent à s’estomper avec l’entreprenariat social pour faire place à un continuum de formules, orientées à des degrés variables vers le marché et la recherche de profits[27]. Notons d’abord qu’une telle tendance à l’atténuation des frontières a déjà mise en évidence pour d’autres parties du troisième secteur dans ses rapports avec le secteur privé à but lucratif mais aussi avec le secteur public [28]. Ensuite, et bien plus fondamentalement, la multiplication d’expériences mixtes ou hybrides ne nous paraît en rien diminuer la nécessité d’une meilleure connaissance et reconnaissance du champ, encore largement méconnu, de l’ « économie sociale » ou du secteur « nonprofit » dans les économies contemporaines. D’ailleurs, l’ancrage d’une grande partie des entreprises sociales dans ce troisième secteur nous semble constituer la garantie la plus solide que la thématique de l’entreprise sociale ne se dilue progressivement et ne perde l’essentiel de sa force, une fois passées une ou deux décennies d’intérêt pour la nouveauté.

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Professeur au Département d’Économie et directeur du Centre d’Économie Sociale à HEC-École de Gestion de l’Université de Liège, Jacques Defourny est également président du Réseau Européen EMES. Sybille Mertens est directrice de recherches au Centre d’Économie Sociale et coordinatrice de la Chaire Cera « Entreprenariat et management en économie sociale » à HEC-ÉEcole de Gestion de l’Université de Liège.

[1] L’organisation Ashoka a joué un rôle pionnier dans de telles réalisations. Depuis le début des années 80, elle appuie ce type d’entrepreneurs. Ceux-ci sont souvent présentés comme des héros des temps modernes (voir par exemple Bornstein, 2004). Une définition de l’entreprenariat social proposée par Dees (1998) représente assez bien cette seconde école.

[2] En 1993, celle-ci lance la « Social Enterprise Initiative ».

[3] Les revues Nonprofit and Voluntary Sector Quarterly et Voluntas offrent un bon aperçu de cette littérature.

[4] Les Revue des Études Coopératives, Mutualistes et Associatives (Paris) et Economie et Solidarités (Montréal) incarnent bien cette approche.

[5] Il existe depuis longtemps un intergroupe « économie sociale » au sein du Comité Économique et Social Européen et au sein du Parlement Européen. En outre, les programmes d’action et les décisions du Conseil des Ministres européen font de plus en plus référence à l’économie sociale.

[6] Voir par exemple Evers et Laville (2004).

[7] Ces nouvelles dynamiques entreprenariales à finalité sociale ont été observées et analysées dès 1990 dans une revue baptisée « Impresa sociale ».

[8] Borzaga & Santuari (2001).

[9] Désignant de 1996 à 2000 le réseau de chercheurs aux yeux de son commanditaire, la DG Recherche de la Commission Européenne, le nom EMES a été conservé lorsque le réseau a poursuivi divers autres projets sur les entreprises sociales et l’ensemble de l’économie sociale. Le Réseau EMES rassemble aujourd’hui dix centres de recherche universitaires et des chercheurs individuels spécialisés en ces matières à travers toute l’Europe. Voir le site www.emes.net.

[10] Dans le même cadre, la Secrétaire au Commerce et à l’Industrie, qui avait la tutelle de cette Cellule, a proposé sa propre définition de l’entreprise sociale (DTI, 2002) et diverses recherches ont vu le jour dans la foulée de cette politique volontariste.

[11] Schumpeter (1934), p.66.

[12] C’est même là un thème majeur de la littérature qui cherche à identifier les principales raisons de l’existence du troisième secteur.

[13] Les chercheurs du Réseau EMES ont particulièrement étudié les innovations de produits et services dans le champ de l’insertion socioprofessionnelle et dans celui des services aux personnes.

[14] Cette plus grande homogénéité des organisations d’économie sociale « traditionnelles » se reflète notamment dans les dénominations des différents types de coopératives ou de mutuelles : coopératives de travailleurs, coopératives de consommateurs, mutuelles de fonctionnaires, d’artisans, d’agriculteurs, etc.

[15] Voir à ce sujet Laville et Sainsaulieu (1997).

[16] Ainsi, dans la phase d’identification initiale de leur première recherche, les membres du Réseau EMES avaient-ils distingué un ensemble « central » d’entreprises sociales, et un ensemble plus « périphérique », autour de cet idéal-type.

[17] Defourny (2001), pp. 16-18. Les premiers travaux publiés par EMES datent de 1999, mais l’ensemble de ces indicateurs étaient déjà identifiés dans des rapports intermédiaires (EMES European Network, 1997 et 1998) qui ont notamment été utilisés par l’OCDE (1999).

[18] Les travaux nationaux ont été publiés dans la collection des EMES Working Papers. Ils sont aussi consultables sur le site www.elexies.info. Pour une synthèse, voir Spear et Bidet (2003) ainsi que Davister, Defourny et Grégoire (2004).

[19] Borzaga et Defourny (2001).

[20] EMES European Research Network (2006).

[21] En particulier Borzaga et Spear (2004) ainsi que Borzaga et Galera (2004).

[22] Voir la deuxième partie de l’ouvrage coordonné par Borzaga et Defourny (2001)

[23] Cependant, certaines caractéristiques des entreprises sociales tendent en général à les distinguer des coopératives de travailleurs traditionnelles : leur sociétariat rassemble fréquemment d’autres types de parties prenantes que les seuls travailleurs rémunérés et elles visent davantage le bénéfice de la communauté, au-delà des intérêts de ces derniers.

[24] DTI (2002).

[25] De manière très significative également, la politique scientifique britannique compte financer la création d’un important centre de recherche sur le « Third Sector » avec pour mission de couvrir les entreprises sociales au même titre que les autres types d’organisations d’économie sociale.

[26] Voir par exemple Kim Shin Yang (2007).

[27] Même si certaines catégories conceptuelles tendent à se préciser, le contexte anglo-saxon (et en particulier le contexte américain) reste marqué par une profusion d’approches et de définitions, notamment dans les grandes « business schools » et les sciences de gestion en général. Ainsi, par exemple, selon le « Social Enterprise Knowledge Network », mis sur pied par la Harvard Business School avec des homologues latino-américaines, la notion d’entreprise sociale peut aller jusqu’à inclure des pratiques que d’autres préféreraient considérer comme relevant plutôt de la « responsabilité sociale des entreprises » ou de la « nouvelle administration publique ».

[28] Par exemple, parmi bien d’autres, Evers (1990) et Dekker (2004).