La santé, un bien commun

Écrit par Geneviève Azam

La santé n’est pas uniquement un bien individuel. Elle est aussi un bien commun et un droit, qu’il faut démocratiquement protéger.


Le texte qui suit est la retranscription d’une intervention orale de Geneviève Azam à l’occasion de l’Assemblée générale de la MGET (Mutuelle générale de l’Équipement et des Territoires), à Reims les 6 et 7 juin 2007.


Bonjour à toutes et à tous,

Je voudrais d’abord remercier la MGET pour cette invitation et dire que je suis particulièrement heureuse de participer à ce débat dans la mesure où, dans mon travail universitaire, j’ai été conduite à travailler sur l’économie sociale, et en particulier sur les mutuelles, aujourd’hui confrontées au défi de la démocratie.

La question démocratique n’est pas étrangère au mutualisme, puisque dans l’histoire des mutuelles, comme dans toute l’histoire de l’économie sociale, le fondement essentiel est l’idée démocratique du fonctionnement sur la base « un homme (ou une femme, dirions-nous aujourd’hui), égale une voix ». Ce principe fondateur est un principe de démocratie économique et sociale, qui s’oppose à cette autre forme d’exercice du pouvoir économique selon lequel une action, une part du capital de l’entreprise, égale une voix. Les mutuelles vont plus avant encore dans le sens de cet apprentissage démocratique, puisqu’elles sont fondées sur l’idée d’adhésion volontaire. Ce principe essentiel, qui vient sans doute de la référence à la philosophie des Lumières, repose sur l’idée de l’autonomie de l’individu. Mais nous avons à réfléchir aujourd’hui au principe de l’autonomie de l’individu car les effets d’un libéralisme économique débridé l’ont souvent réduit à la liberté de choix du consommateur. Or, la liberté et l’autonomie de l’individu dépassent la liberté de choix strictement économique. C’est pourquoi la mutualité a toujours mis la formation au cœur de son action : on ne peut pas construire l’autonomie individuelle sans l’éducation.

Ces premières remarques tendent à montrer la nécessité d’élargir aujourd’hui la notion de démocratie. Lorsqu’on parle de démocratie, il n’est plus possible de se contenter de parler du fonctionnement démocratique interne des structures, sur la base d’un homme égal une voix. Il faut intégrer également tout ce qui est de l’ordre de la reconstruction de l’autonomie de l’individu, de l’individu-citoyen au lieu de l’individu-consommateur.

Je voudrais également rappeler dans cette introduction un trait particulier de l’histoire de la mutualité française. Cette dernière s’est construite sur une coupure historique entre les fonctions d’assistance des personnes et de revendication des droits, la fonction d’assistance relevant de la mutualité et la fonction de revendication du syndicalisme. Pendant une très longue période, au nom de cette fonction d’assistance, les mutuelles ont construit leur développement sur la base de la neutralité politique et sociale. Dans les années 60, et tout particulièrement au moment de la réforme de la gestion de la sécurité sociale en 1967, la mutualité a remis en cause cette idée de neutralité, pour mettre en avant l’idée d’indépendance. A partir de ce moment-là, les mutuelles, de façon certes différenciée, se sont rapprochées des autres acteurs du mouvement social et en particulier des syndicats, de façon à reconstruire des liens entre la fonction d’assistance et la fonction de revendication.

Cette reconstruction des liens et le passage de la neutralité purement gestionnaire à la volonté de partager avec d’autres la revendication et la transformation sociales peuvent être aujourd’hui une étape importante du renouveau démocratique. Toutefois, la question posée est sans doute de savoir si une autre étape ne doit pas être franchie. Au-delà de l’indépendance, ne faut-il pas poser aujourd’hui la question de l’engagement de la mutualité, et en particulier de son engagement auprès d’acteurs autres que les syndicats, puisque la santé ne dépend pas uniquement des conditions de travail, mais bien de l’ensemble des conditions de vie de l’individu ? Dans ce cadre, il ne s’agit plus seulement de traiter de la démocratie interne, à l’intérieur de la mutualité, mais aussi de l’irruption de la mutualité dans l’espace public. Ce qui nous fédère est le fait de considérer que la santé n’est pas un bien économique comme les autres. On ne peut pas produire des services de santé comme on produit certaines marchandises. La santé est un bien particulier, et le droit qui s’y réfère relève du droit social. Or, poser la santé comme un droit, c’est se situer sur l’espace public, sur l’espace politique, au sens noble d’administration de la cité. Par conséquent, l’enjeu pour la mutualité est peut-être aujourd’hui, au-delà de la démocratie interne, de réoccuper l’espace public pour faire vivre la santé comme un véritable droit, et donc de poser la question de la démocratie politique.

J’examinerai ici la transformation actuelle de la santé en services marchands, avec ses implications pour la société et pour les mutuelles. Ensuite, j’essaierai de voir en quoi la santé est un bien particulier, un bien public mondial ou un bien commun de l’humanité, comme il en question aujourd’hui à l’échelle mondiale. Enfin, je me pencherai sur le nécessaire engagement démocratique et mutualiste.

I. La transformation de la santé en service marchand

Du fait d’une approche que je qualifierai d’économiste, la santé tend à devenir un bien économique comme les autres. La santé a été largement définie comme un droit par les organisations internationales, qu’il s’agisse de l’Organisation Mondiale de la Santé, de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, ou du Pacte international des Nations Unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels des années 1960. Or, il est de moins en moins question aujourd’hui de la santé en terme de droit, et de plus en plus en terme de production de soins. Ceci signifie que la santé est réduite à la question de la maladie et de l’accès aux soins, c’est-à-dire à ce qui se passe lorsqu’il n’y a pas eu de prévention. La santé est ainsi réduite à la production-consommation de soins, condition préalable à la construction d’un marché de la santé, avec une demande solvable de soins, des usagers-clients au lieu des patients, auxquels il faut répondre par une offre adéquate.

Une manière strictement économique de penser la société s’installe progressivement depuis une quarantaine d’années. Il s’agit là d’une rupture au regard de ce qui avait été institué après 1945. Toutes les questions, y compris celles liées aux problèmes sociaux et à la question sociale, sont maintenant conçus comme des problèmes de gestion économique. Dire cela n’est pas affirmer que la gestion économique n’est pas importante : c’est dire que tout ne peut pas être soumis à une approche strictement économique. Cette domination de l’imaginaire économique s’est accompagnée, depuis une trentaine d’années, d’une crise du système de la protection sociale, crise dit-on de l’Etat-providence, qui a coïncidé avec le retour en force, dans le monde entier, d’une idéologie, de politiques, qui constituent le néo-libéralisme. Elles sont fondées sur la croyance que le marché, par le jeu de l’offre et de la demande, est le meilleur moyen d’allouer et de répartir les ressources, de prendre en charge le bien-être des populations et d’assurer l’équilibre social.

En matière de santé, cette orientation s’est d’abord traduite par une approche strictement économiste et gestionnaire des soins et par l’obsession de la maîtrise des dépenses. Il ne s’agit pas bien sûr de nier l’exigence de maîtrise des dépenses mais les dépenses ne doivent pas être traitées en elles-mêmes. Il s’agit en effet d’analyser en amont pourquoi certains types de dépenses ont tendance à exploser et pourquoi au contraire d’autres aspects de la santé ne sont pas du tout pris en charge. La focalisation sur la maîtrise des dépenses tend à surestimer le poids des comportements individuels au détriment de la compréhension des effets de système. Elle tend aussi à faire oublier que la santé est un droit, et qu’un système démocratique doit être fondé sur l’égalité d’accès à ce droit et donc sur la solidarité. Mettre en avant et parler uniquement de maîtrise des coûts, renvoie aux exigences d’efficience de toute entreprise capitaliste.

Cette orientation s’est également traduite par la promotion de la « société du risque » : nous serions entrés, depuis une trentaine d’années, dans ce que certains sociologues ou économistes appellent la société du risque, dans laquelle nous devrions affronter les risques de manière individuelle, la prise de risque étant le garant de l’innovation, de la concurrence et du progrès. L’appel à la prise de risque individuel, à l’individualisation du risque a donné naissance à la gestion individuelle du capital santé, à l’individualisation du parcours de santé, comme si la santé pouvait être envisagée uniquement en termes individuels.

Le discours du risque a également coïncidé avec la globalisation financière. Depuis trente ans, la priorité donnée aux logiques financières et l’explosion des marchés financiers ont donné un poids extrêmement important aux assurances. Aujourd’hui, l’assurance santé représente une manne énorme, que les fonds qui agissent sur les grands marchés financiers internationaux veulent capter, puisqu’ils ont besoin de s’alimenter avec l’épargne financière individuelle.

Enfin, la transformation de la santé en marchandise et l’oubli de l’idée de droit sont également un effet des grands accords commerciaux internationaux de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Ces accords tendent à transformer la santé en service commercial. En particulier, l’accord sur la propriété intellectuelle de l’OMC a aujourd’hui des effets extrêmement importants en matière de santé, puisqu’il traite en particulier de la question des brevets sur les médicaments, considérés comme des marchandises absolument comme les autres.

II. La santé, un bien particulier

Pourquoi la santé reste-t-elle tout de même un bien particulier ? Pourquoi la santé a-t-elle été rangée au rang des biens publics mondiaux, voire même au rang des biens communs de l’humanité par le Programme des Nations Unies pour le Développement ? Parce que la santé ne peut pas être envisagée seulement à partir de données purement individuelles.

Il y a bien entendu une grande inégalité en matière de santé, pour la part biologique. Mais précisément, les mutuelles et les systèmes de protection sociale sont là pour permettre qu’au-delà des prédispositions individuelles, nous puissions tous bénéficier d’un droit à la santé, à un environnement sain, au bien-être. Le fait de considérer la santé comme un produit purement individuel et concurrentiel la renvoie à l’expression d’un besoin individuel sur un marché, le marché de la santé, alors que nous savons qu’elle dépend des conditions socio-économiques d’existence tout autant, et sans doute même davantage, que de notre héritage personnel ou génétique.

Il faut également ajouter que la santé dépend aujourd’hui des conditions écologiques dans lesquelles nous vivons[1]. De nombreux rapports montrent comment l’émergence de nouvelles maladies, « ces maladies créées par l’homme » selon l’expression du professeur Belpomme, à l’exemple du cancer, s’expliquent en grande partie par la dégradation de l’environnement. Les pesticides sont maintenant au devant de la scène, de même que tous les produits chimiques que nous absorbons ou au milieu desquels nous vivons[2]. Par conséquent, nous avons sans doute à réfléchir ensemble à ce que pourrait être une santé durable. Bien que très largement galvaudée, la notion de durabilité demeure une piste de réflexion. Parler de santé durable, c’est parler aussi d’un système social, d’un système politique, d’une organisation économique, qui se détachent des objectifs économiques d’efficience à court terme. Il ne peut pas y avoir en effet de santé durable, sans le respect des équilibres des écosystèmes, des organismes vivants, de la bio-diversité.

C’est un enjeu essentiel pour les mutuelles et pour les systèmes de protection sociale. Lorsqu’on considère la santé de manière isolée, indépendamment du système économique et social et de l’environnement, lorsqu’on découpe la vie sociale et la vie professionnelle (ce que l’on appelle en termes scientifiques la méthode fractionniste), on oublie que la santé est un bien commun. L’approche individuelle est la cause de nombreux échecs en matière de santé publique. Ils sont souvent masqués par l’augmentation de l’espérance de vie. Cet indice global nous renseigne assez peu sur les inégalités en matière de santé et sur les conditions dans lesquelles nous vieillissons. Si l’on veut arriver à retrouver une efficacité et une efficience du système de soins et des systèmes de santé, la santé doit être posée comme un bien collectif.

De surcroît, la santé ne dépend pas seulement de l’environnement économique et social et de l’équilibre écologique : elle dépend aussi de tous ces liens sociaux qui permettent la circulation de l’information, l’intégration sociale, le sentiment d’appartenance, lui aussi constitutif du bien-être des populations. Un penseur de la fin du XIXe siècle, le sociologue Emile Durkheim a analysé les conditions de la solidarité et a inspiré les acteurs de l’économie sociale. Il a particulièrement étudié le suicide, et il est pertinent de penser à lui aujourd’hui alors que les suicides se développent dans les entreprises. Regardez ce qui vient de se passer chez Peugeot, ce qui s’est passé chez Renault il y a quelque temps : ces suicides ne sont pas simplement le fruit d’une histoire individuelle ; ils posent le problème d’un certain type d’organisation sociale. Durkheim avait étudié les suicides à la fin du XIXe siècle en essayant de les comprendre non pas comme des phénomènes individuels mais comme de véritables faits sociaux, explicables par des causes sociales. La solidarité doit justement permettre l’émergence de nouvelles formes de liens sociaux permettant de lutter contre ce qu’il appelait l’anomie sociale, c’est-à-dire l’absence de repères et de normes, qui laisse les individus face à eux-mêmes, dans des situations de souffrance et de désespérance sociale. L’ouvrage de Pascal Desjours sur la souffrance au travail est à cet égard très instructif.

La santé (non seulement mentale, mais aussi physique) dépend de la qualité des liens sociaux que nous sommes capables de tisser. Si l’on adhère à cette idée, on ne peut pas considérer la santé comme un « capital », géré tel un portefeuille d’actions et d’obligations. Elle dépend de paramètres sociaux et collectifs, elle est donc un bien public et suppose la mise en œuvre de droits permettant sa réalisation. Si l’on veut poser et élargir la question démocratique, si on veut faire converger la justice et l’efficacité, comme le postule l’économie sociale, il est nécessaire de repenser la santé à l’intérieur du système politique et du système social.

III. Nécessité de l’engagement démocratique et mutualiste

Nous arrivons maintenant aux enjeux présents pour les mutuelles et à la question de leur engagement pour une société démocratique. Poser la santé comme un droit et un bien collectif, c’est inciter à réunir les conditions pour qu’une réappropriation collective des conditions d’existence soit possible. Dire que la santé n’est pas simplement un problème, qu’elle est aussi le signe et la manifestation d’un rapport harmonieux au monde commun et à l’environnement, c’est dire que le droit à la santé ne peut être compris seulement comme l’égale possibilité d’accès aux soins. Sortir de cette vision réparatrice suppose de voir la santé aussi comme capacité d’une réappropriation des conditions d’existence, d’affirmation des choix collectifs et de résistance à la médicalisation des problèmes sociaux. Si on veut effectivement maîtriser les dépenses de santé, il va falloir résoudre la question sociale et la question environnementale, parce qu’une grande partie de l’explosion des dépenses de santé provient précisément d’une médicalisation des problèmes sociaux et environnementaux.

Je voudrais lancer quelques pistes.

Ne faudrait-il pas retrouver une fonction d’éducation populaire pour les mutuelles ? Les nouvelles maladies, celles notamment liées à la dégradation de l’environnement, de l’alimentation et des conditions de travail, n’apparaissent pas de manière égalitaire. Les catégories populaires sont également les premières victimes de la dégradation environnementale (et sans doute le seront-elles de plus en plus), puisqu’elles habitent le plus souvent dans les quartiers les plus exposés, et n’ont ni les revenus ni l’information suffisants pour échapper à un certain nombre de dégradations. C’est pourquoi il faudrait peut-être se pencher à nouveau sur ce qu’ont été les mouvements hygiénistes du XIXe siècle. Il ne s’agit pas bien sûr de retrouver les voies souvent empruntées de la moralisation individuelle par l’éducation, mais de poser que, du fait de la complexité du monde, un travail d’éducation populaire et d’information sur les questions de santé est absolument nécessaire. On ne pourra pas faire de la prévention sans cette éducation populaire préalable. Il faut donc faire de la santé un élément essentiel de la question sociale, alors que la séparation entre mutuelles et syndicats a renvoyé la santé aux marges de la question sociale, et n’a pas permis une résistance efficace à son individualisation. La santé est une question sociale à part entière et cette prise en compte est une des conditions pour l’existence d’une société démocratique.

Je voudrais également dire un mot de la solidarité puisque la mutualité s’est construite à partir cette notion. La solidarité est aujourd’hui dépréciée au nom de la liberté individuelle. Il s’agit là d’une corruption du langage, car lorsque la solidarité a été pensée, la liberté individuelle l’a été également, sans être réduite à la liberté du choix économique entre telle ou telle marque, mais bel et bien comme la capacité de choix, et surtout comme la capacité de choix politique. Or, aujourd’hui, la solidarité est assimilée à l’assistance et tous les discours de refus de l’assistance reviennent au déni de la solidarité, au nom du refus d’une « société d’assistés ». Or lorsque nous parlons de solidarité, nous ne parlons pas d’assistance, nous parlons de la solidarité en tant que valeur politique. Il ne s’agit pas d’assistance individuelle pour ceux qui seraient des handicapés ou des accidentés de la vie. Si nous disons que la santé est une question sociale centrale, nous devons l’aborder avec des valeurs politiques significatives, et en particulier avec la solidarité, L’assistance renvoie souvent à des situations d’urgence, c’est-à-dire à l’accident, à la catastrophe, qui nécessitent effectivement de l’assistance. Mais la santé ne peut se réduire à l’urgence. Elle est une construction sociale qui implique de faire revivre la valeur de solidarité comme valeur politique et de retrouver les valeurs fondatrices de la mutualité. Je pense à cet égard à l’apport de Léon Bourgeois, à la fin du XIXe siècle, dans son ouvrage La solidarité,

Je disais précédemment que pour la mutualité, il s’agit maintenant de franchir une nouvelle frontière vers l’engagement dans l’espace public. Il faut en effet avoir conscience que la mutualité et les mutuelles portent non seulement des valeurs démocratiques internes, pour leurs adhérents, mais également des valeurs démocratiques pour l’ensemble de la société. La mutualité est emblématique d’une revendication démocratique pour l’ensemble de la société. Elle est porteuse de cette valeur à un moment où les valeurs démocratiques sont en question et peut-être même menacées. Un nouveau souffle pour les mutuelles pourrait être justement, du fait de leur fonctionnement démocratique interne, de pouvoir aussi représenter un espoir démocratique, un symbole démocratique au sein de l’espace public.

Il reste à déterminer avec quels acteurs de l’espace public, au-delà des liens traditionnels avec les syndicats, les mutuelles pourraient tisser des liens ponctuels ou plus structurels pour faire avancer ce nouvel idéal. Actuellement, le gouvernement propose un Grenelle de l’environnement auquel vont être invités des associations écologistes, des syndicats, des entreprises. Je pense qu’il y aurait aussi place pour les mutuelles. En effet, si l’on pose la question de la santé dans un Grenelle de l’environnement, la question d’une santé durable et non pas simplement l’accès ponctuel aux soins, il pourrait y avoir là une amorce de travail en commun entre différents acteurs. De même, les mutuelles pourraient permettre le développement des recherches en matière de santé dont on sait aujourd’hui qu’elles sont très largement insuffisantes et orientées vers la demande solvable des plus riches.

Pour terminer je dirais que pour une entreprise d’économie sociale comme la mutualité, il est nécessaire de réfléchir aujourd’hui à ce que sont l’efficience, l’efficacité économique et la culture du résultat, qui contaminent les projets démocratiques. L’efficience, l’efficacité économique et la culture du résultat devraient en effet être réinsérées dans tous leurs aspects politiques, sociaux et écologiques.

Plus largement, il est maintenant nécessaire de considérer que le renforcement de l’espace démocratique, qui tend à se restreindre, est une condition de la pérennité et de la singularité des organisations mutuelles.

Illustration : L’homme de Vitruve, croquis de Léonard de Vinci réalisé aux alentours de 1492.

[1] J’ai largement développé cette idée dans Alain Caillé (dir.), Quelle démocratie voulons-nous ? Pièces pour un débat, 2006, éd. La Découverte, coll. Sur le vif, 142 pages.

[2] Je pense en particulier aux travaux du professeur Belpomme, du professeur Pelte et du professeur Seralini qui ont été les initiateurs de « L’appel de Paris », en réaction à une directive européenne sur le contrôle des produits chimiques dans l’alimentation, les médicaments, etc.

Geneviève Azam est maître de conférence en économie à l’Université Toulouse II.

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