Indépendance professionnelle du médecin. Réalité et imaginaire

Écrit par Louis Calisti, Jean-François Rey

Louis Calisti et Jean-François Rey revisitent ici comment s’articulent l’indépendance professionnelle du médecin et les principes qui constituent le socle de la médecine libérale depuis la fin du XIXème siècle.

L’indépendance professionnelle du médecin leur paraît souhaitable : elle est conforme au serment d’Hippocrate, puisqu’elle protège le médecin de toutes les pressions susceptibles de nuire à l’exercice de son art et à la santé de ses patients. Or, justement, les principes libéraux de libre choix du médecin par le malade, de liberté de prescription par le médecin, d’entente directe entre le malade et le médecin en matière d’honoraires, de paiement direct des honoraires par le malade au médecin garantissent-ils pleinement l’indépendance professionnelle ?

A les suivre, il est permis d’en douter. Indépendant professionnellement, le médecin ne l’est pas vis-à-vis de ses patients, puisque son niveau de rémunération dépend du nombre des consultations ; il ne l’est pas non plus vis-à-vis de ses confrères, puisque la médecine fonctionnant comme un marché, il doit éviter que ses patients ne passent à la concurrence. Il ne l’est pas plus vis-à-vis de la protection collective et réglementée qui est la nôtre, puisqu’il dépend étroitement, pour ses honoraires, des différents régimes de sécurité sociale. Dans ce contexte, par-delà la sécurité matérielle relative que lui assure l’attachement au colloque singulier du médecin et du malade, il se pourrait bien que la médecine libérale, si elle n’y prend garde, délaisse peu à peu les autres principes de l’exercice médical : l’attachement à la prévention, et non à la seule réparation ; le refus de médicaliser les phénomènes sociaux ; le souci de l’égalité d’accès aux soins ; le développement de la recherche scientifique et, plus globalement, la promotion de politiques sanitaires répondant aux besoins de la société, et non seulement aux besoins du système économique. La vocation nouvelle de la médecine n’implique-t-elle pas une participation grandissante à la vie de la cité, comme l’affirmait le professeur Hamburger en 1966 ?

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Calisti Prevenir n°3 Mars 1981

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